Gare au gorille! Pandémie, réchauffement et inaction

Gert Nygårdshaug est un auteur norvégien, surtout connu en france pour sa trilogie de Mino, déjà emprunt de réflexion écologique et d'anticipation. Car c'est de cela dont il va être question dans ce Chimera : de pas mal d'écologie, et d'anticipation.

Et il faut dire que l'auteur a fait fort : en 2011, écrire un roman mêlant dérèglement climatique et pandémie, saupoudré de conflit (dont le conflit israélo-palestinien) et de choc économique; c'est faire preuve d'une vista anticipation impressionnante. A moins que ce soit simplement la platitude de nos problématique d'époque, qui nous paraissent toujours plus urgente mais qui sont en fait d'une désolante banalité depuis plus de 15 ans...


Le roman retrace en effet une mission scientifique se déroulant dans la forêt congolaise, où un conglomérat de scientifique originaire de partout autour du globe sont réunis pour chercher des solutions aux dérèglement climatique, qui a pris une ampleur terrifiante dans ce roman se déroulant dans quelques années. Mais c'est au cours d'une de ses missions qu'un sympathique gorille suivi par les primatologues change brutalement de comportement et devient agressif. Le neutralisant et l'analysant via une autopsie, les scientifiques découvrent alors un terrible virus, ultra contagieux, qui menace de rayer de la terre l'humanité si il se retrouve transmissible à l'homme. Heureusement cela reste initialement au stade d'hypothèse. Mais quand un petit village situé a côté de la base ne donne plus de signe de vie, l'hypothèse devient menace. Et le roman peut commencer à nous questionner via ses personnages.


Parmi les point fort de ce roman, la capacité de l'auteur à vous immerger est impressionnante. J'ai eu du mal à poser le livre, les pages s’enchaînent, on semble comprendre où il veut nous emmener sans jamais en être certain, avec de nombreuses surprises relancant l'envie d'en savoir plus. On sent également un gros travail de recheche préalable, de digestion et de transmission d'info scientifique. C'est agréable, on a pas l'impression d'avoir des deus ex machina, tout est expliqué et justifié.

Concernant le roman en lui même ; la myriade de personnages permet de rajouter beaucoup de contexte, de donner des exemples des différentes crises touchant le globe via les histoires de chaque personnages.

L'auteur s'amuse également à nous rappeler régulièrement l'inaction des gouvernants, notamment par les brèves remontés de données et de suggestions des scientifique, qui ne débouchent que sur des réunions onusiennes stériles, quand bien même les données sont implacables. Cela permet d'ailleurs de justifier des prises d'initiatives des scientifiques, que j'ai presque vu comme un appel du pied/clin d'oeil au scientifique à ne plus attendre les réactions des gouvernement mais à agir (e qu'on peut voir se concrétiser dans les actions militantes de certains chercheurs et chercheuses sur le climat actuellement!)


J'ai été moins séduit par le milieu/dernier quart du roman, qui tourne un peu en rond pour nous amener à la finalité du livre, qui aurait mérité d'être dévoilé plus tôt et questionné plus profondément. On tourne un peu en rond, on attend que les questions posées trouvent des réponses mais elles tardent souvent à venir, voir sont laissées en suspens.

L'auteur ne se mouille pas trop sur les dialectiques à l’œuvre sur la question du climat : écologie vs économie, confort vs sécurité... toutes les décisions et position se valent en passant d'un personnage à l'autre. Certes l'auteur s'évite une posture de père la morale, mais on tombe parfois dans un quasi relativisme (« le réchauffement climatique n'est peut être pas le fait de l'homme mais une évolution normale des cycles de la terre ») ou un scientisme aveugle (« vivement la solution scientifique a base de nanotechnologie pour sauver le monde »).

Enfin, j'ai eu du mal à comprendre le procédé d'ouverture du roman, où l'auteur se met en scène cherchant le sujet de ce roman. Je l'aurais plutôt mis en préface ou en post-scriptum car c'est venu parasiter mon expérience de lecture. Pour autant, le propos fait sens et mérite d’apparaître quelque part !


En résumé : expérience littéraire très réussi, véritable éco-thriller page-turner comme on dit, au relent de hard-SF vu le travail de vulgarisation entrepris de grande qualité. On s'égare un peu, que ce soit dan l'ouverture ou dans le ventre mou du roman qui fait feu de tout bois pour finalement aboutir à une question tout autre, diablement intéressante éthiquement mais qui se retrouve expédié en quelques pages. Frustrant quand on voit la capacité de l'auteur à nous amener sur des chemins reflexifs malaisant de manière confortable ! J'aurais aimé que l'auteur me prenne par la main plus longtemps sur ces dernières questions et perdent moins son temps sur d'autres points.


Très efficace dans la grande majorité de son roman, impressionnant dans sa précision quasi chirurgicale de la transmission scientifique, glaçant dans les contradictions que nous renvoi notre traitement de la question climatique, des sacrifices que notre espèce est prête à faire pour se sauver (ou à ne pas faire pour préserver son confort au détriment de notre vie), Chimera est un solide roman, addictifs comme un bonbon acide. Ça pique, on en redemande, en se questionnant sur le danger pour notre santé de poursuivre comme ça. Bravo Gert Nygårdshaug !



Homegas
7
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le 4 mai 2024

Critique lue 9 fois

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