Critique de Christie Malry règle ses comptes par Sergent_Pepper
Drôle et cruel, le programme d'un comptable déraille et finit par planifier la destruction du monde. Cynique et jubilatoire.
le 29 juil. 2013
1 j'aime
Dernier de ses romans publiés du vivant de B.S. Johnson en 1973, traduit en 2004 par Françoise Marel pour Quidam éditeur, «Christie Malry règle ses comptes» parut quelques mois avant son suicide en Novembre de cette même année 1973.
Christie Malry est un homme simple. Il souhaite côtoyer l’argent dont il est démuni et devient donc employé de banque. Rapidement lassé d’un travail fastidieux et d’une ambiance de travail "ternie par l’aigreur, la mesquinerie et l’esprit de bureaucratie", il abandonne la sécurité de l’emploi de la banque et, pour faire fortune, rejoint une entreprise qui fabrique des pâtisseries et des bonbons, tout en étudiant la comptabilité.
Pour surmonter, ou se venger de frustrations ou vexations initialement mineures, Christie a alors une Idée de génie, appliquer le principe de la comptabilité en partie double à sa propre vie. Tout préjudice qu’il subit vient à son débit (réprimandes du chef comptable, malaise du au comportement d’un employé des pompes funèbres lors de l’enterrement de sa mère, etc.), et doit être exactement compensé par une réparation, à son crédit. Ainsi, Christie Malry règle ses comptes avec EUX, la société capitaliste contemporaine. Cette Idée de génie devient son unique but et, considérant toute sa vie comme un jeu ou une guerre, il n’a de cesse de découvrir ainsi les points forts et les points de vulnérabilité du monde des affaires, les "possibilités de chaos, blessures et autres accidents mortels", qu’il voit comme autant d’informations utiles au recouvrement d’un crédit considérable.
Logiquement, en bon technicien, Christie Malry procède périodiquement à une clôture comptable, où l’on constate que son solde créditeur à reporter ne cesse d’augmenter, dans une inquiétante escalade.
Pendant que son personnage donne une forme nouvelle et objective à la vengeance avec cette histoire féroce et drôle, B.S. Johnson réinvente la narration en piétinant les convenances et en mettant sa méthode à nu pour nous, lecteurs. Chacun ne cesse de changer de place : l’auteur discute avec son personnage de la nécessité de terminer le roman, le même personnage devient par moments commentateur extérieur ou bien critique du roman, et le lecteur est amené aux côtés de l’auteur pour contempler avec lui les principes directeurs de la construction de ce roman, et participer à son élaboration.
«D’où il ressort que Christie sera ordinaire, d’allure, de taille, de poids, de carrure et de couleur. Faites de lui ce que bon vous semblera : un personnage à votre image probablement. Entière liberté vous est garantie s’agissant en particulier des verrues ou des grains de beauté ; l’important étant qu’il compte au moins l’une ou l’autre de ces excroissances.»
Un livre nécessaire, immensément drôle et d'une profonde noirceur.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.
Créée
le 3 juil. 2013
Critique lue 205 fois
3 j'aime
D'autres avis sur Christie Malry règle ses comptes
Drôle et cruel, le programme d'un comptable déraille et finit par planifier la destruction du monde. Cynique et jubilatoire.
le 29 juil. 2013
1 j'aime
Du même critique
Publié initialement en 1979, cet essai passionnant de Christopher Lasch n’est pas du tout une analyse de plus de l’égocentrisme ou de l’égoïsme, mais une étude de la façon dont l’évolution de la...
Par
le 29 déc. 2013
36 j'aime
4
«Quand Gorbatchev est arrivé au pouvoir, nous étions tous fous de joie. On vivait dans des rêves, des illusions. On vidait nos cœurs dans nos cuisines. On voulait une nouvelle Russie… Au bout de...
Par
le 7 déc. 2013
35 j'aime
«Aujourd’hui il ne suffit plus de transformer le monde ; avant tout il faut le préserver. Ensuite, nous pourrons le transformer, beaucoup, et même d’une façon révolutionnaire. Mais avant tout, nous...
Par
le 24 mai 2013
32 j'aime
4