On ne présente plus Sylvain Tesson.
Allez si, on le présente : véritable amoureux de la Russie, cet "écrivain et voyageur français" (selon Wikipédia) parcourt seul les confins de cet immense pays. Foldingue inconscient pour certains, avatar de la vie libre pour d'autres, Tesson publie régulièrement des compte-rendus romancés de ses périples hauts en couleur.
Même s'il s'inscrit dans cet esprit, Ciel mon moujik est différent par sa forme puisqu'il s'agit d'un recueil linguistique servi à la sauce Tesson.
Observant ses compatriotes français, l'auteur part d'un constat simple : les langues slaves leur paraissent ardues et la passerelle de l'anglais est souvent employée par facilité dans les échanges.
Notre aventurier des temps modernes - oui, j'imagine aisément K2000 endormie dans une décharge en Sibérie entre deux débris de capsules spatiales et de gros bidons du substances chimiques suspectes. Notre aventurier des temps modernes, disais-je, propose un petit guide de survie lexical face à la complexité de la langue russe et de ses cousines de l'Est. Son point d'appui semble concret et pertinent : la langue russe regorge de mots d'origine française. Sans prétention scientifique, ces mots d'une double nationalité sont l'occasion pour l'auteur de proposer une "promenade" dans laquelle s'articulent des anecdotes historiques et des bribes de vies sauvoureuses rencontrées au cours de ses pérégrinations dans les steppes. On suit volontiers cette "invitation [...] à ouvrir l'oreille".
Même si le ton est sympathique et drôle, les croustillantes anecdotes laissent place à des catalogues de mots classés par thème au fil des pages (EXACTEMENT ce que Tesson voulait éviter en début d'ouvrage...). On refermera donc le livre avec un petite déception. Par ailleurs, le postulat de départ semble plutôt illusoire : on constate que les mots issus du français relèvent d'une autre époque voire même d'une vision de la France fantasmée et archaïque (amourtoujour). Le parallèle entre le "frusse" et le "franglais" est maladroit. Là où l'anglais alimente chaque jour la langue française grâce aux prouesses technologiques ou économiques, le russe s’ankylose dans une vieille France poussiéreuse.
Au final, les apports linguistiques du livre restent très légers si l'on décide de boucler son sak-voïaj avec ses poulover et sa boûssol pour aller parcourir la Russie.
Как жа́лко !