Bordage is back
J'ai beau m'y attendre, je me laisse prendre à chaque fois. Eh ouais, Bordage nous sort encore avec cette trilogie une saga de derrière les fagots, du niveau de ses productions les plus mythiques...
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le 18 oct. 2022
3 j'aime
(Cette critique vaut pour la trilogie complète de Metro Paris 2033)
Après la flopée considérable de spin-offs qui ont fleuri autour du succès (amplement mérité) de Metro 2033 par Dmitry Glukhovsky, ce dernier (qui parle couramment la langue de Molière, fait amusant) aurait demandé à Pierre Bordage, auteur français de science-fiction (que j'ai découvert ici, donc exit les références à ses autres œuvres) d'écrire une "œuvre sœur" au Metro original. C'est donc dans une trilogie que se lance Bordage, basée sur le métro parisien et baptisée Metro Paris 2033.
D'un point de vue global, l'intrigue est plutôt attrayante : on suit les aventures de plusieurs personnages vivant dans la rive gauche du métro parisien, ou plutôt survivant face aux mafias qui se sont formées, à l'état de vie déplorable et aux ressources limitées qu'offre le métro, et surtout au culte d'Élévation, menée par un pasteur tyrannique qui exécute ses opposants en les envoyant faire un tour à la surface, irradiée par les retombées de missiles tactiques. Les habitants de rive gauche (on les nommera les RG, et les rive droite les RD, plus court) pensent que RD comme la surface sont au mieux irradiées, au pire infestées de monstres. Mais évidemment, on se doute bien que ce n'est pas le cas, et très vite le lecteur ne désire que savoir ce qu'il y a dans ces contrées inexplorées. Et pour cela, il va lui falloir une sacré dose de patience.
Pour vous expliquer : après avoir présenté ses personnages, le livre va très vite se concentrer sur trois équipes principales :
— l'équipe Madone, qui accompagnée de ses soldats et d'une mutante prophétesse, cherche à pacifier tout RG parce que c'est quand même sacrément le bordel
— l'équipe Parn, qui se concentre sur le pasteur tyrannique et principal antagoniste, qui veut régner sur tout RG à sa manière et envoyer au passage quelques opposants à la surface pour les irradier et maintenir la populace dans une peur constante
— l'équipe Juss, qui part explorer RD
Donc vous voyez venir le début du problème : trois équipes, trois lignes narratives différentes, donc une alternance constante entre l'une et l'autre, dans un rythme si effréné qu'il en devient difficile à suivre (oh tiens ça me rappelle quelque chose). C'est bien simple : un chapitre = une équipe. Et dès fois, on a des chapitres spéciaux qui font intervenir les trois équipes en même temps en plus d'une quatrième, qui sont généralement les témoignages des premiers habitants du métro. Vous voyez le soucis se préciser.
Mais si ce n'était que ça : les chapitres sont beaucoup trop courts pour qu'on se plonge pleinement dans l'intrigue de l'équipe qu'on suit, puisque hop c'est déjà le chapitre suivant ! Je lisais sur liseuse, chaque chapitre faisait entre 15 et 20 pages chacun (sur une liseuse, ça fait pas bien gros), ce qui à la fin m'a fait sauter quelques pages pour aller plus vite. Et même en faisant ça, je n'ai pas perdu grand-chose, parce que, deuxième point à souligner, Metro Paris 2033 sonne malheureusement creux.
Je m'explique : l'intérêt principal du lecteur est de découvrir ce qu'il y a dans un premier temps à RD, puis à la surface dans un deuxième. On sait parfaitement que ce sera viable, on veut juste savoir ce qu'il y a. Car on comprend assez vite que plusieurs années se sont écoulées depuis que la surface est irradiée, voire plusieurs siècles (les chapitres spéciaux dont je vous parlais ? Tout ce que vous devez savoir est dit dedans, même le fait que l'humanité a vécu six siècles dans le métro, oh merde c'était censé être une révélation finale ? Oh zut, je n'aurais pas dû le dire dès le début du tome 2 alors !). La surface est un monde inexploré, qui sonne davantage comme une légende que comme une réalité. Et ça, Bordage l'a très bien compris, ce qui va l'amener à tirer sur la corde à de (trop) nombreuses reprises, en multipliant les scènes et intrigues qui n'ont pas grand intérêt. Plutôt que de les voir comme des amuses-gueules avant le plat de résistance, je les ai senties comme une longue file d'attente avant de pouvoir passer sa commande.
Et ceci pour une raison très simple : parmi les trois équipes que je vous ai citées, seule une explore RD puis bien plus tard la surface (celle de Juss, j'y reviendrai). Les deux autres, celles de Parn et Madone, se font écho :
— Madone se met en tête de parcourir tout RG pour rallier les stations à sa cause et les unir sous la bannière du partage, de la coexistence et de l'amour de son prochain (en gros c'est l'extrême-gauche)
— Parn le pasteur voit d'un mauvais œil ce projet car il pourrait y perdre son pouvoir. Lui aimerait que tout le monde croit en son culte d'Élévation (la mise à mort à la surface pour rappel). Surtout, il cherche à tout prix à éliminer les êtres mutants qui commencent à naître dans le métro, puisqu'ils sont des insultes proférées envers la race humaine (si t'as pas compris, Parn c'est le méchant)
Cette lutte pour le pouvoir pourrait être captivante, mais le lecteur sait pertinemment (et ça lui est confirmé assez vite) que RD et la surface sont viables, ce qui amoindri grandement l'impact des projets de Madone et Parn (si l'humanité peut remonter à la surface, qu'est-ce qu'on s'en fout du sort de RG ?) Cette lutte étant décrite pendant deux tomes et demi (la dernière moitié du dernier est un peu différente) et, comme c'est étonnant, n'aboutissant à rien, le lecteur a donc suivi une intrigue qui n'a absolument rien donné et n'a fait que tourner en rond. J'ai eu l'impression de lire un roman classique français chiant qu'on te dit que c'est un pilier de la littérature, te pose pas de question c'est comme ça (oh bah tiens Metro Paris 2033 c'est un livre français). Et impossible de s'attacher au moindre personnage, tant ils sont tous plus détestables les uns que les autres (Madone est d'une naïveté qui frise le ridicule et Parn met un point d'honneur à ce que chaque chose qu'il fait, chaque chose qu'il dit, soit une chose de méchant ; je ne parlerai pas des autres, inutile). Donc pour ce côté-là, c'est mort. Peut-être que l'intrigue avec Juss passe mieux ?
Oui et non. Effectivement, Juss, accompagné de sa copine Plaisance, de Roy le lettré et d'Aube qui est bonne à s'en crever les yeux (oui, c'est exactement comme ça que Bordage nous la présente, avec d'autres mots mais l'idée est là) explore RD et ce sont les meilleures parties du livre. On prend plaisir à découvrir les mystères que renferme RD, et ce à travers les yeux des personnages qui, comme le lecteur, ne comprennent ni ne rationalisent pas forcément ce qu'ils voient. Bordage s'amuse à nous jeter au visage des horreurs nées des retombées radioactives pour notre plus grand plaisir malsain.
Lecteur, si tu pensais te rassasier de tout cela, tu te trompes.
Car je n'ai pas parlé du meilleur (ou du pire, c'est selon. Pour moi, c'est le pire). Quelque chose qui est présent dès le début de l'histoire (presque dès les première lignes, c'est dire) et qui s'accroche à l'intrigue comme une moule à son rocher (notez la métaphore de la moule, c'est du foreshadowing) jusqu'à, sans mentir, la toute dernière réplique qui vient clore le tout dernier tome. Quelque chose qui ne manque jamais une occasion de pointer le bout de son nez, voire essaye sans arrêt de dévier une conversation d'apparence banale pour la porter sur ladite moule (foreshadowing derechef). Quelque chose qui donne sens au titre de cette critique. J'ai nommé : le cul.
Dans Metro Paris 2033, chaque personnage, qu'il soit masculin ou féminin, va être confronté à un moment ou un autre à une frite ou une moule. Chaque personnage possède en lui une libido d'une puissance gargantuesque à tel point que même un personnage vierge (ça se vérifie plus d'une fois) possède en lui les capacités d'un acteur porno aguerri et sait provoquer un orgasme d'une ampleur pantagruélique à son ou sa partenaire comme si il ou elle l'avait fait toute sa vie. Et je ne parle pas d'une ou deux scènes , je parle d'une bonne vingtaine (j'aurais dû les compter, mais je ne suis pas loin du compte).
Dans sa chanson, Pierre Perret parlait du vrai, du faux, du laid, du gros, etc... en référence à l'organe génital masculin, et Bordage a mis un point d'honneur à prendre chaque appellation de son homonyme pour l'inclure dans son histoire et y aller avec force détail. Je ne plaisante pas.
Le pire, ça reste quand même avec les personnages de Juss et Plaisance mentionnés plus haut, qui ont respectivement 18 et quelque chose comme 14-15 ans. Pendant toute la durée du premier tome, ils se tournent autour mais se gardent bien de jouer à cricon-criquette sous prétexte que Plaisance est trop jeune (ce sont d'ailleurs bien les seuls à ne pas s'abroger de la loi de la majorité sexuelle de tout le métro, mais soit). Mais dès l'instant où "...mes seins, ils ont poussé aussi, et même que je commence à avoir des poils." (sic), c'est parti. Les deux tourtereaux, tels deux cocottes-minutes sous pression depuis un tome entier (quelques semaines, deux mois maximum, c'est vrai que c'est interminable), font sauter la soupape et forniquent comme des lapins à toute heure. On fait une pause en route ? On baise. Je reviens de la chasse et je rapporte ripaille ? Oh mais comme tu es fort mon homme, viens on baise. On s'est pas vus depuis deux jours ? Oh comme tu m'as manqué ma femme, viens on baise. On a manqué de se noyer ? Oh mon dieu j'ai eu si peur et j'ai les hormones en ébullition, viens on baise. Et je le répète, ils ont beau être des adolescents qui le font pour la première fois, ils affichent des performances dignes d'un succube.
Parce que question description, Bordage ne lésine pas sur les détails et prend un malin plaisir (pour ne pas dire gênant, voire un peu inquiétant) à décrire l'acte charnel sous toutes les coutures (Juss et Plaisance ne sont que des exemples). Si les premières descriptions peuvent être intéressantes d'un point de vue langagier et métaphorique, plus ça va et plus la subtilité s'apparente à celle d'un tractopelle.
Sans rire, j'ai eu parfois l'impression de lire la version porno de Metro 2033. Et si je déplorais l'absence totale de personnage féminin dans celui-ci, je déplore ici la présence trop marquée par de tels personnages (ou des persos mecs, peu importe comme vous le voyez). C'est quand même terrible de se dire qu'il n'y a pratiquement aucun personnage masculin qui ne sache parler à un personnage féminin sans ressentir le désir insoutenable de lui mettre son trilili dans son trouloulou, et inversement. Parce que pendant que ça fornique, vous croyez que l'intrigue avance ? Haha.
Voilà donc ce que j'avais à dire sur ce Metro Paris 2033. Si le postulat de départ est attrayant (survie dans le métro après une guerre nucléaire, l'état de la surface est "inconnu"), il est bien vite gâché par un rythme maladroit et trop inégal et une omniprésence agaçante, pour ne pas dire lourdingue, de scènes de sexe qui, non content de mettre l'histoire en pause, sont à la longue franchement dérangeantes et finissent par pourrir l'intrigue (je ne compte pas le nombre de fois où j'ai levé les yeux au ciel, râlé, voire carrément "ragequitté" ma lecture.) Une histoire qui ne sera pas non plus rattrapée par sa conclusion, convenue et clichée au possible.
Dmitry Glukhovsky, en tout bien tout honneur : est-ce que tu approuves ta petite sœur ?
Créée
le 13 juin 2024
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