Clang!
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livre de Carole Tremblay (2024)

Incontournable Octobre 2024




Je me réjouis que la maison Courte Échelle embarque dans les éditions proposant des petits romans susceptibles d'intéresser un large spectre de lecteurs adolescents tout en offrant des œuvres à nos ados avec des défis en lecture ou qui sont en processus d'apprentissage de la langue française. Pour reprendre les termes employés par l'édition, "La collection Micro propose aux adolescents des textes courts, à mi-chemin entre le monologue et la nouvelle, sur des sujets forts et actuels. Des textes de fiction qui prennent la parole avec émotion, humour ou poésie pour dire la réalité du monde d'aujourd'hui. Des œuvres écrites dans une langue empreinte d'oralité pour questionner, s'indigner, révéler , dénoncer, témoigner ou simplement déposer des mots là où ça fait du bien".


Donc, après cette introduction bien tournée de la part de l'éditeur, on retient donc que ces petits romans d'environ 50 pages donnent la parole à des personnages ados, tourné dans leur langage, brut et authentique, donc comme un monologue, et très engagés sur l'émotion plus que sur la description. Au saute dans le vif du sujet de la première à la dernière page et comme nous sommes dans un narratif à vif, on reste suspendu aux paroles des personnages.


Ici, notre narrateur, un jeune adulte de 18 ans, a commit un délit de fuite. Il a heurté un cycliste avec le gros véhicule de son père, alors qu'il était dans un état de frustration. Il trouve refuge dans le chalet de son grand-père, car il a besoin de faire le point.



Nous nous retrouvons dans les pensées qui le traversent, les émotions à vif qui se bousculent en lui et le processus de deuil qui s'enclenche et dont il enchaine les différentes étapes: déni, colère/négociation, dépression/tristesse, résignation et finalement acceptation. Juste pour la présence de cette séquence, je trouve ça fort pertinent. On l'oublie, mais le deuil ne concerne pas que les décès, mais bien tout évènement qui va causer une perte ou une modification dans la vie de la personne qui n'est pas facile à gérer. Devoir admettre que, non ce n'est pas la faute de son ami qui s'est servi de lui comme chauffeur, ou celle des choix de son père en matière d'auto pour un VUS équipé de capteurs, ou, pourquoi pas, la faut du cycliste qui était invisible, car sans lumières, en pleine nuit. S'il est vrai qu'un nombre considérables d'éléments n'ont pas aidé, reste que le geste lui revient. Il passe d'une colère accusatrice à une dépression de lui-même, se traitant de lâche, puisqu'il a fuit.



Attention, il y a aura des divulgâches à partir d'ici.



Peu à peu, le rationnel prend le pas sur l'émotif, le narrateur songe aux conséquences de son geste, du fait qu'il faut si peu pour commettre l'irréparable, tombe un peu dans le fatalisme aussi. Mais, en fin de compte, il fait le choix de se rendre à la police, sans utiliser le véhicule, car il est dans un état de choc. Après des vérifications, il s'avère qu'il a probablement frôlé le monsieur, qui était saoul et naviguait sans voyants. Il s'en est tiré avec des blessures mineures et a regagné son foyer. J'aime que la policière ait mentionné, en réponses aux questionnements de notre ado quand à sa fuite, que "paniquer peut arriver à tout le monde". Parce que c'est vrai. Oui, certaines personnes sont lâches parce qu'ils sont sans empathie, mais une part des gens réagissent parce que leur état mental est soumis à un stress très important, qui peut amener à prendre la mauvaise décision sur le coup. L'important est qu'il a assumé ses responsabilités en se livrant et fort probable qu'il écope d'une amende et de points de démérite, mais sa vie ne va pas s’effondrer et la prison n'est pas une option. Surtout, le narrateur réalise beaucoup de choses sur sa vie, sur sa capacité sa surmonter sa peur, à voir ses proches sous un angle nouveau. Si les conséquences pénales sont moindres, les conséquences sociales et identitaires sont nettes. L'ado va même jusqu'à présenter des excuses au monsieur saoul et lui offre des voyants pour son vélo. Fort à parier que le monsieur aussi va voir sa vie différemment, désormais.



C'est un sujet que je n'avais encore jamais vu, mais c'est un excellent sujet. Ça permet de toucher autant les enjeux quand à a conduite sur la route, que le mal-être, que l'état de choc, le processus de deuil, une bonne part d'émotions en tout genre et un peu de philo. Cela met en relief, comme les enjeux de santé, qu'il est vite fait de ruiner le cours de sa vie pour des gestes presque bêtes. Mais la conduite, surtout de nos jours avec des auto énormes, truffées d'angles morts et dont les collision avec les piétons/cyclistes/motocyclistes ne pardonnent pas, est quelque chose qui a toujours un potentiel meurtrier. Ça a beau être banal dans nos vie, c'est toujours à ce jour le moyen de transport le plus dangereux. Et ça mérite de ne pas être prit à la légère. Ça n'a rien de strictement lié à la jeunesse, d'ailleurs, je vois tous les jours des individus d'âge murs avoir des comportements à risque sur les routes.



J'aime la formule proposée par la Courte échelle, j'ai le sentiment d'avoir été entendue. Nous avons besoin, en librairie jeunesse, de petits livres, pas seulement pour nos lecteurs pour qui la lecture n'est pas un plaisir, est un défis ou pour qui la langue française est en acquisition, mais de manière générale pour nos ados qui ont besoin de quelque chose de moins "brique". Tous les sujets ne se prêtent pas aux énormes formats récurrents en littérature adolescente, spécialement en Fantasy, par ailleurs. Certains se prêtent mieux aux petits romans ou aux nouvelles. Également, je réitère que nous avons encore la fâcheuse manie de penser que les gros livres sont plus étoffés. C'est une idée erronée. C'est le contenu qui fait le livre, et non sa taille ou sa couverture. Parfois, ça fait du bien de faire une courte lecture, qui avec un bon sujet bien amené et une plume efficace, sera aussi agréable à lire.



Une belle collection à découvrir, bien de chez nous, qui parlera autant aux ados ( 12-17 ans) qu'aux jeunes adultes (17-25 ans).



Pour un lectorat adolescent à partir du premier cycle secondaire, 12-15 ans+

Shaynning

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