"Tout ce qui ressemble à un emprisonnement me rend enragée"
Depuis plusieurs mois je voulais me lancer à la découverte de Colette, dont je ne connaissais pas encore l'œuvre. Mais, par où commencer ? C'est dans le cadre de mon travail que j'ai donc eu l'occasion de lire Claudine à l'école.
Je dois avouer que je me faisais de Colette une fausse image. Je savais bien que son œuvre avait scandalisé, mais un scandale de 1900 ne devait sûrement pas être bien méchant.
J'ai découvert un roman qui a une incroyable liberté de ton. Les sujets qui sont traités sont étonnants pour cette époque. Ainsi que la façon de les traiter, directe, crue. Les lectures émoustillantes des demoiselles de quinze ans, les embrassades des institutrices (qui laissent deviner d'autres actes plus secrets), le délégué cantonal qui aime beaucoup les petites filles (mais vraiment beaucoup !)...
Tout cela est vu et décrit par une jeune fille de quinze ans dont l'acuité du regard n'a d'égale que la perfidie des descriptions. En effet, Colette sait, en deux phrases, présenter un personnage d'une façon inoubliable. Un vêtement, une attitude, deux ou trois phrases et le caractère est dessiné. Et sans complaisance, que le personnage soit ou non son ami(e). Car Claudine n'a d'indulgence pour personne, mais sans jamais sombrer dans la méchanceté : c'est souvent moqueur, très drôle, mais toujours léger. Les garçons lourdauds, le ministre suant (dans tous les sens du terme), les paysannes qui tentent de passer leur examen, tout est remarquablement représenté, donnant à l'ensemble une vie et une réalité saisissante. Loin des grands romans classiques de cette époque, la narration de Colette n'étouffe pas sous les descriptions interminables mais privilégie la vie et l'harmonie du tout.
Car malgré les incidents qui émaillent ces quelques derniers mois (de janvier à juillet) d'étude de Claudine à l'école communale, c'est bien un sentiment d'harmonie qui se dégage de tout ça. A l'école, Claudine retrouve sa véritable famille. Il faut dire qu'à la maison, elle est plutôt seule (formidable et hilarant personnage que le père, constamment à côté de la plaque tant il est perdu dans ses études des limaces).
Claudine ne se plaint pas toujours de sa solitude, elle qui revendique sa liberté et qui aime tant les promenades en forêt et les soirées dans la bibliothèques avec la chatte Fanchette. Mais, au détour d'un bal, elle nous avoue sa mélancolie. La solitude n'est pas toujours la meilleure compagnie.
Le roman se présente comme le journal de Claudine, d'où un aspect qui ressemble parfois à une succession de scènes. Le rythme est, dans l'ensemble, rapide. J'ai quand même eu plus de mal avec la scène de la venue du ministre (dernier quart du roman), scène trop longue et qui ne m'a pas paru d'un intérêt flagrant. Mais les ultimes pages rattrapent ce souci et l'ensemble se termine à nouveau à merveille.