« Mon père était Agamemnon – Me mit au monde Clytemnestre, – Détestable fille de Tyndare »
Les paroles d’Electre dans la tragédie éponyme d’Euripide sont celles qui restent quand on songe à la reine Clytemnestre : on se souvient et on honore Agamemnon, on méprise sa meurtrière de femme. C’est le sort commun de beaucoup de personnages féminins de la mythologie : évoluant dans un univers d’hommes, elles sont souvent cantonnées à des rôles, des effigies, des trophées, des figures monstrueuses. Que reste-t-il de leur histoire, lorsque l’on écarte les héros, les rois, les tyrans ?
Costanza Casati prend le parti de Clytemnestre, sans rien nier de sa cruauté, de ses crimes, de sa personnalité éminemment vengeresse. Mais c’est aussi et avant tout son parcours de femme que l’on suit, toutes les étapes et épreuves qu’elle traverse pour en arriver là, debout dans le mégaron du palais des Atrée, à côté du trône de son mari défunt, la main d’Egisthe dans la sienne. L’autrice réhabilite une femme élevée dans un milieu d’hommes, à égalité avec les hommes. Elle donne également la parole à beaucoup d’autres femmes de son entourage, oubliées ou réduites à l’image que les hommes gardent d’elles. Il y a sa mère Léda et ses sœurs : Hélène, loin d’être seulement la plus femme du monde – Timandra, que l’on connaît moins voire pas du tout, qui devient ici une figure féminine homosexuelle. Il y a ses filles : Iphigénie et Electre, bien sûr, mais aussi Chrysothémis. Ses filles, pour lesquelles elle se bat autant que pour elle-même. Il y a toutes ses autres femmes laissées de côté sur la trajectoire des héros et des tyrans.
Clytemnestre, pour s’affirmer dans mon monde d’hommes, utilise leurs règles et les met au service de ses intérêts de femme et de reine. Ce livre est une revanche personnelle et universelle, qui redistribue les rôles au profit des femmes pour mieux révéler la complexité des héros qui restent dans les mémoires. C’est aussi un conte profondément humain, porté par une héroïne qui fait fi des prédictions, des oracles et des dieux : c’est un combat à échelle humaine.