L'incipit interpelle tout de suite l'attention des lecteurs, d'autant plus ceux d'entre eux qui ont connu, ou connaissent encore, ces sorties de bar tardives, un brin éméchés... Les pensées divaguent... On observe le monde d'une joie sotte et contemplative... J'arrête là cette comparaison digressive puisque quelques lignes plus loin, changement de ton : coups, sang, corps à terre, MORT! Au bout de deux pages, le lecteur sait qu'il a entre les mains un polar "hard boiled" (comme disent nos amis anglo-saxons, référence à l'auteur britannique de cet œuvre). Nous voilà sur les traces d'un psychopathe : un cadavre est retrouvé dans un cimetière de Londres, poignardé, les deux mains amputées. Les indices : une inscription mystérieuse sur le corps et le numéro 1879.
L'originalité du livre réside dans le fait que l'intrigue est guidée par une matière alimentant rarement (jamais ?) le polar : la généalogie.
En dire trop sur le parallèle existant entre des meurtres commis au XIXème siècle et ceux d'aujourd'hui (car il n'y en aura pas qu'un...) serait gâcher le suspense distillé par ce roman. L'auteur livre un scénario haletant, et sanglant jusqu'au final, véritable course contre la montre où le passé crée les pistes du présent. La tension, crescendo, est ponctuée de rebondissements convaincants.
On retrouve les "classiques" du genre, concernant les personnages notamment : le vieil enquêteur un rien aigri et alcoolique, obnubilé par son travail, la jeune flic mignonne et futée, le généalogiste adulescent passéiste, la romance à venir... L'enquête a des interactions avec la vie personnelle de nos protagonistes, avec des effets radicalement différents.
Certains s'étonneront peut-être de la vivacité d'esprit des policiers, voire de leur érudition ! Leurs investigations et déductions sont parfois alambiquées, jamais embrouillées.
Pour en revenir à la généalogie, l'auteur distille tout au long du récit des anecdotes liées à cette discipline, l'histoire des noms de famille par exemple. Ces passages sont souvent drôles, toujours intéressants.
Si l'enquête classique, de terrain, n'est pas absente du livre, c'est bien l'étude du passé qui lui donne matière. Les premières investigations vont entraîner des recherches sur une série de meurtres qui se sont produits en 1879 ; l'enquête actuelle va se construire grâce à ces recherches. C'est la généalogie qui crée l'ambiance.
Cette introspection dans les archives juridico-policières permet d'apprécier certaines pratiques et mœurs du XIXème siècle, l'époque victorienne. J'aurais aimé que l'auteur aille encore plus loin dans ses descriptions et comparaisons de cette Londres victorienne crasse, aujourd'hui capitale moderne. Les lieux de mémoire qui nous sont présentés, à l'image souvent poussiéreuse, telles les archives, office d'état civil et autres musées, nous rappellent que nous ne serons tous, un jour, qu'une ligne dans un registre... Avant que cela n'arrive, je crois que ce livre m'a donné l'envie d'aller ouvrir les pages du passé familial... Un exploit !
Au fait, vous ai-je dit que Code 1879 est le premier roman de Dan Waddell ?