Complètement cramé ! par pilyen
Le créneau des romans dégoulinants de bons sentiments a trouvé son maître. Plus fort qu'Anna Gavalda (pourtant plus mordante) et Grégoire Delacourt (pourtant plus inspiré) réunis, Gilles Legardinier n'y va pas de main morte. A partir d'une intrigue genre Club des cinq pour un côté vaguement mystérieux, mâtinée d'un décor et de personnages issus tout droit que la littérature romanesque pour dames mais d'avant Harlequin (Delly, Max du Veuzit que plus personne ne connaît) et de quelques répliques bien senties genre théâtre de boulevard, "Complètement cramé", malgré son titre aux relents actuels, m'a propulsé dans un genre romanesque oublié depuis longtemps : la bluette de gare. Tout y est ! Le château isolé, sa cuisinière ronchonne, sa soubrette délurée, son garde-chasse bougon, sa propriétaire belle et mystérieuse, sa méchante copine, ses affreux banquiers et bien sur ses terribles secrets de famille. Et jeté au milieu de tout ça, Blake, le héros, qui atterrit là comme Terence Stamp dans "Théorème" mais, je vous rassure tout de suite, sans l'ombre d'un soupçon d'ambiguité. Il est là pour faire le bien et il y réussit. Un peu comme Joséphine ange gardien ( pour situer le niveau) , la magie en moins.
Je n'ai rien contre les bons sentiments, c'est même plutôt rassurant, mais là, trop c'est trop. Malgré les pages de remerciements de la fin, à faite fondre en larmes un rugbyman bodybuildé reconverti dans le porno, cette avalanche de jolies choses font d'office apparaître Anna Gavalda comme la candidate la plus probable au prochain Nobel de littérature et Grégoire Delacourt grand favori du prochain Goncourt et premier auteur du 21 ème siècle à entrer dans le Lagarde et Michard (ça existe encore ça ? ). Militer (?!) pour une plus grande fraternité entre les hommes est une chose, la faire passer par l'écriture en est une autre. Gilles Legardinier écrit simple, simpliste parfois, mais la plume est alerte tout de même. Je ne doute pas une seconde de sa bonne foi mais, de grâce, pourquoi noyer tout cela dans une intrigue bourrée de clichés, enfilés les uns après les autres et moins originale qu'un téléfilm de M6 diffusé en pleine après-midi ?
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