Un Rosali Anal en pleine forme
Je ne partage pas toutes les idées d'Alain Soral, mais je salue la pertinence de ses analyses sur le communautarisme, les relations hommes/femmes et les sociétés modernes en général. Et, par-dessus tout, j'admire son éloquence : ce type est un orateur né absolument fascinant à regarder.
Sauf que Soral dérange. Après avoir chamboulé la sociologie, il se lance dans la politique. Et ses propos sur Israël choquent, si bien qu'il est quasiment absent du PAF aujourd'hui. Comme Dieudonné, d'ailleurs, et d'autres trublions du même acabit (Nabe ou Meyssan). Si l'on peut facilement comprendre que certains de leurs propos n'ont pas été très habiles, il est dommage de devoir se priver de personnes souvent brillantes qui ont le mérite d'ouvrir le débat, et de sortir de l'éternel carcan droite/gauche désuet.
Comprendre l'Empire, au regard de ce blacklistage, est un étonnant succès. Pas un seul journal, pas une seule chaîne (hormis France 2 avec Taddéï), pas un seul site généraliste n'en a parlé. Visiblement, les gens sont de plus en plus méfiants envers le journalisme traditionnel...
Contrairement à ce que je craignais, le livre n'est pas entièrement axé sur Israël et sur la franc-maçonnerie (le nouveau dada de Soral). En réalité, Soral réécrit l'histoire, et détruit une à une les idées reçues, de la Révolution Française (qui n'est pas le combat du peuple contre la royauté) jusqu'à l'islamophobie grandissante de nos sociétés occidentales, s'autorisant même quelques passages expliquant les origines helléno-chrétiennes de notre civilisation.
Le livre est très simple à lire, et se veut didactique plutôt que polémique. On ne retrouve pas la violence cynique de Misères du Désir ou de Abécédaires. Soral plutôt que de choquer le lecteur, cherche à lui faire ouvrir les yeux, au travers de textes très courts, très parcellaires. Il ne faut surtout pas noyer le lecteur sous un travail universitaire. On sait qu'il existe une version de mille pages de ce livre, qu'il serait intéressant de pouvoir lire. Car ici, point de notes, point de références : c'est au lecteur, s'il le désire, d'aller ensuite se renseigner sur Internet ou ailleurs. On pense donc plutôt à un guide de lecture, tant certains sujets sont peu approfondis : le résultat est un livre moins dense, moins complet que ce qu'on aurait pu attendre, mais intellectuellement plus enrichissant (j'ai pris pas mal de notes).
Certains pourront arguer que Comprendre l'Empire est très complotiste. C'est vrai. Et même si je suis fasciné par les complots, j'ai aussi un problème avec eux. Tant il s'agit plus de foi que de raison à leur propos. On peut adhérer ou non aux propos de Aaron Russo, croire aux facéties sataniques du groupe Bilderberg ou des Skull and Bones, la vérité est que tout est bien trop obscur pour prouver ou infirmer totalement ces théories. Et, surtout, la paranoïa ridicule de certains sites Internet prête plutôt à sourire et décrédibilise un peu plus ce milieu...
J'ai aussi un peu de mal avec les contradictions de Soral. Ce combat contre l'impérialisme qui le pousse à fréquenter les ennemis de ses ennemis. Ou, donc, son admiration pour l'Iran d'Ahmadinejad, pour Chavez, entre autres.
Un livre très intéressant, riche de sens, que je vais devoir relire.
Au-delà des polémiques, il est toujours intéressant, ne serait-ce pour emmerder le monde, de s'intéresser aux hommes bâillonnés.