Concrete Rose
5.9
Concrete Rose

livre de Angie Thomas (2021)

"Concrete rose" est un prequel du roman "La haine qu'on donne" et s'il est pertinent et sans doute très touchant dans sa version originale, ce que me confirme ma collègue qui l'a lu en version anglaise américaine originale, il est aussi le genre de roman qu'on préférerait dans son propre français. J'y reviendrai. Sa grande force, nul doute, est le sujet lui-même, comme ce fut le cas avec les autres romans. Non seulement les personnages afro-américains restent sous-représentés ( même si ça s'améliore beaucoup), les jeunes papas le sont encore plus. Bon, reste le fait que nous avons ENCORE un roman qui place un afro-américains dans un contexte social difficile ( à croire qu'un ado afro-américain qui vit en banlieue avec une vie normale, ça reste trop demander), mais si c'est pour traiter d'un jeune qui change son orientation pour miser sur son enfant, pourquoi pas?

Néanmoins, côté plume, je ne suis vraiment pas impressionné. Encore un roman des états-unis traduit en français européens "de jeunes", déjà, c'est pas joli. Le verlant est encore pire que d'habitude, avec "reuf" ( père), notamment, que j'aurais préféré ne jamais voir tellement ce mot est laid, et tout un tas de mots totalement inconnus dont j'ai du aller pêcher sur Internet la définition: reup, tehon, donf, camé, coathar, morfale, etc.J'ai tenter de trouver ces termes en fouinant sur Internet, mais il y en avait tellement que j'ai abandonné. Mais là n'est pas le seul soucis et je dois avouer ne pas savoir si ces phrases mal construites et ces absences de déterminants et pronoms sont le résultat de l'autrice ou de la traductrice, mais ça me bloque dans ma lecture quand les phrases ne font aucun sens comme "S'il avait parlé chinois, c'était la même."( Même quoi?) ou "C'est prise de tête" ( "Une" prise de tête", ok, pas "c'est"). Donner un style "gangsta" à l'oral, d'accord, mais au moins si la qualité de la langue pouvait rester dans les paragraphes, les "hors-dialogue", c'eût été apprécié. Enfin, les dialogues manquent de clarté, notamment dans la ponctuation et dans la désignation: Mais qui parle en ce moment? En plus, il y a des termes phonétiquement moches tels que "meuf", "teuf" ou "chelou", "ouf", sorte de français inversé qui sied très mal à des américains, qui plus est. De ma perceptive québecoise, ce genre de langage sonne comme du mauvais français, un peu comme notre joual québecois. Pour vous donner une perspective, imaginez lire une histoire se déroulant en Écosse moderne, où les jeunes parleraient en joual ( le jargon québecois), ou alors des Japonais qui jargonnerait en chiac ( le jargon acadien) ou des anglais qui s'exprimerait en ch'timi.

"Concrete rose", dont même le titre non traduit me nargue, est donc un roman que j'abandonne faute de temps ( ma pile de livre à lire pour mon travail de libraire atteint mon plafond), mais aussi faute de patience. Voir des personnages des états-unis parler le dialecte des ados parisien est chaque fois bizarre et je pense comprendre pourquoi de plus en plus de jeunes francophones nord-américains ( Canada, USA, Québec) se tourner vers les version originales: elles sont linguistiquement beaucoup plus crédibles et à tout prendre, l'anglais est presque plus facile à lire que ce langage étrange des rues de France ( où peut-être de Paris?). Je comprend l'idée de traduire le langage de "guetto" ( le langage de rue), pour être dans l'esprit du sujet, mais dans une autre langue, on aurait gagner à garder quelques termes spécifiques des USA et un français plus international.

Or, ici, on sent que le lectorat visé était la jeunesse parisienne, qui comprend ce genre de langage troqué et inversé. Il aurait quasiment mieux convenu de le traduire une seconde fois par un/une traducteur/traductrice en français américain, pour qu'il soit plus compréhensible pour les Acadiens, Québecois et autres francophones du continent. Cette pratique est déjà largement courante en France de re-traduire les romans québecois en français européen, précisément parce que les français ne connaissent pas le français québecois/canadien, même s'il s'agit de la même langue. C'est surtout quand on traduit les dialectes que c'est pertinent.

Et puis, il faut dire que nous avons des termes cousins entre francophones et anglophones américains.

Donc techniquement, il aurait été plus logique de voir une histoire se déroulant aux États-Unis traduit dans le français américain que celui de l’Europe. Mais ainsi, ce serait les européens qui se seraient alors plaint de ne pas comprendre, et ce serait probablement recevable. Bref, comme je le mentionnais plus haut, c’est sans doute un bon roman dans sa pertinence, mais c'est pénible à lire en version française.


En temps normal, je n'octroie pas de note à un roman abandonné, mais il est impossible ce faire un commentaire sans attribuer de note, sur SensCritique.

Shaynning

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