Pourquoi ai-je relu ce roman de Mathieu Gaborit et Fabrice Colin - deux auteurs que je n'aime pas particulièrement ? Parce que je suis une feignasse qui, par moment, préfère se prélasser à relire de vieux machins plutôt que d'aller chercher plus loin que le bout de son nez. Il faut dire que j'en avais un bon souvenir, de ce livre. Mais flou. Tout est dans le flou, dirait-on.
Si l'introduction, au narrateur inconnu et qui recèle bien des mystères, attrape le lecteur à la gorge, c'est là un effet de courte durée. Sitôt qu'apparaissent les deux protagonistes du roman, c'est la platitude du style et du récit qui l'emporte. Colin et Gaborit n'auront même pas réussi, à travers l'alternance systématique des points de vue de Margo et - mince, ah, j'ai oublié son nom... Ah oui, Théo ! -, ils n'auront même pas réussi, disais-je, à créer un effet de suspens qui, pourtant, marche quasiment à tous les coups avec ce genre se stratagème (même Mary Higgins Clark maîtrise le truc, c'est dire). Or, du suspens, on en aurait bien besoin dans un roman qui se veut avant tout une aventure policière où la levée du mystère central est essentielle. Quoique... on finit bien par se demander ce que cherchent finalement le frère et la soeur. Par exemple, Théo, spécialiste de l'étude des effets de l'éther sur la psyché, part sur telle ou telle piste sans vraiment de raison, sinon qu'il va falloir à un moment ou à un autre que les protagonistes trouvent quelque chose, un indice, une théorie, un truc, quoi, sans quoi ils n'iraient pas bien loin, et nous non plus. de même, on fait intervenir des personnages extérieurs pour "décoincer" la situation, sans quoi... même chose. Il semble que la construction du scénario ait quelque peu manqué de rigueur, donc on remet droit ce qui est bancal à l'aide de ce qu'on a sous la main. le résultat n'est pas toujours, par conséquent, très convaincant.
Mais surtout, c'est lent, c'est lent, c'est leeeeeent... Je suis pourtant ouverte à la littérature contemplative autant qu'à la littérature d'aventure trépidante, mais là... C'est juste ennuyeux. Il ne se passe rien, sinon que Margo passe son temps à se promener nue dans son appartement, voire devant son frère, à jouer les coquettes devant les passants et à dire et redire, jusqu'à épuiser le patient lecteur, que les hommes la trouvent très, mais vraiment très, mais vraiment très très très séduisante et que d'ailleurs, elle se trouve elle-même pas mal du tout. Ajoutons-y une touche de péché : j'ai précisé qu'elle se baladait à poil devant son frère, mais elle passe pas mal de temps aussi à l'aguicher. Je ne sais pas bien pourquoi, mais il est clair que les auteurs ont voulu nous faire comprendre qu'il existait une relation incestuelle entre Margo et Théo . Message reçu (vu le manque de subtilité de la chose, on voit mal comment on aurait pu passer à côté), mais c'est sans aucun intérêt pour l'histoire. Voilà, leur relation ambiguë est (lourdement) suggérée, mais jamais exploitée. En gros c'est du remplissage. San compter que Margo devient carrément lourde et agaçante avec ses minauderies perpétuelles, tandis que Théo reste fade de bout en bout.
Je dois dire que le dernier tiers se lit bien mieux que le reste : plus de rythme, des péripéties, des dangers, un nouveau personnage. Mais tout finit par retomber magistralement - ou devrais-je dire royalement ? - à l'eau avec une scène finale pas très réussie, non plus qu'originale. le thème principal, le mystère de l'éther, tout ça s'évapore pour nous laisser sur les fesses. Tout ça pour ça ?
Pour ne rien oublier, notons le petit côté prétentieux de Mathieu et Fabrice, qui nous assène des scènes entières de Shakespeare dès les premiers chapitres. Alors merci bien les gars, mais on est capables de lire Shakespeare nous-mêmes. Pour ne pas s'arrêter là, les voilà qui essaient de nous épater en évoquant Christopher Marlowe (sous-entendu : le lecteur de steampunk est un inculte qui ne connaît pas Marlowe, faisons-le paon devant lui avec nos connaissances littéraires époustouflantes). Bon, déjà, y 'a pas de mal à pas connaître Marlowe. Mais alors, vouloir faire les intéressants en évoquant Marlowe et tomber dans le grossier piège de "C'est pas Shakespeare qui a écrit ses pièces, c'est Machin" (ici, Machin, c'est donc Marlowe, vous l'aurez compris), c'est complètement con et rasoir. Gaborit et Colin ont sûrement trop regardé "Shakespeare in love"... Comment peut-on tomber aussi bas, juste pour faire les malins ?