Confiteor
8.3
Confiteor

livre de Jaume Cabre (2011)

A travers sa propre histoire, celle de sa famille, de son enfance et de sa vie adulte, Adrià déploie l’histoire européenne de l’Inquisition à la Seconde Guerre Mondiale, des monastères d’Europe au camp de Birkenau, des bois chantants des pays cathares aux luthiers de Crémone, des allées de Barcelone aux rues de Rome, revenant aux racines du mal qui la hantent.

Ce qui fait l’originalité du roman, outre ce foisonnement d’histoires passionnantes, c’est la narration de Jaume Cabré. Dès la première page, j’ai dû relire les premières phrases pour être sûre que ce n’était pas les deux bières que j’avais enquillé en terrasse peu avant qui me jouaient des tours. Non non, c’était bien le style voulu par l’auteur, un style décousu, qui fait passer le lecteur d’une histoire à une autre sans transition aucune, parfois dans la même phrase au seul détour d’une virgule, capable de nous faire sauter 700 ans en un signe de ponctuation. Si cela peut au début sembler confus et un peu étrange, le lecteur se prête vite au jeu de cette mise en scène aléatoire, ou aucune chronologie ne tient la route, seulement le fil de la pensée d’Adrià, dont on comprend très vite qu’il écrit ce récit alors que la maladie commence déjà à ronger ses cellules. Cette narration est proprement géniale : cette façon de sauter du coq à l’âne, de faire des digressions qui au premier abord semblent hors propos mais qui donnent en fait une nouvelle dimension à l’histoire que nous conte son narrateur. Cette construction inattendue, qui n’est ni maladroite ni vraiment gênante, juste incroyable et innovante, nous enfonce encore plus profondément dans les souvenirs d’Adrià, dans ses souvenirs et ses délires, et l’histoire nous cheville au corps, nous entraîne avec elle, puissante et poignante.

Le roman à beau dépasser les 700 pages, 700 pages d’une écriture qui vous balade sans ménagement, qui vous fait à la fois rêver et pleurer, je l’ai refermé avec l’envie de le relire. Et pourtant ce n’était pas une lecture simple ni rapide, il faut pouvoir les avaler ces pages-là, et garder une vitesse de lecture normale n’est pas toujours évident. Plutôt que de me précipiter j’ai pris mon temps pour savourer son écriture, sa force stylistique et la richesse de son histoire. Je sais que le relire ne pourrait qu’embellir le souvenir que j’en ai, en me faisant remettre le doigt sur des choses qui ont dû m’échapper... malheureusement je n’en ai pas le temps. Pas aujourd’hui, mais un jour c’est sûr, je relirais Confiteor, avec un plaisir décuplé.

Il est clair maintenant que Confiteor n’est pas le pavé à emmener sur la plage pour une lecture pause-neurones. Confiteor est plutôt ce roman grandiose, novateur, qui oscille entre le récit familial, le roman historique et la fable. Les qualités littéraires de Jaume Cabré, mélangées au souffle épique et dramatique de l’œuvre m’ont touché. C’est une pépite parmi les grains de sables et gros cailloux de la rentrée, à ne pas rater si vous voulez ressentir la belle et bonne littérature.

Créée

le 15 août 2013

Critique lue 891 fois

13 j'aime

GuixLaLibraire

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