Il faut souvent s'accrocher pour lire Congo : pas dans le sens où il serait creux et vide, non, c'est tout le contraire. Ce livre est dense comme la forêt vierge qu'il décrit parfois et au sein de laquelle se jouent tant de drames humains.
Témoignage essentiel de tout le drame d'un pays et d'un continent - voire du monde, en fait - Congo est cet espèce de voix unifiée des époques et des humains qui délivrent avec clarté ce tableau du désastre : rien n'est jamais acquis, sinon que tout reste à faire, et qu'il n'est pas "permis d'espérer". Si je devais résumer le livre en une phrase ce serait peut-être celle-là : il n'est permis d'espérer qu'à posteriori.
Il faut s'accrocher parce que ce que les hommes font aux hommes (et aux femmes) est tout bonnement dur à encaisser. On détourne son regard (mental) à la lecture des sévices qu'ont connus certains de ceux qu'il interviewe. Comme cette femme dont on a découpé le mari sous ses yeux, forcée à ramasser ses restes et à s'étendre ensuite dessus pendant qu'elle se faisait violer.
Il y a cette noirceur absolue dans ce livre, qu'on essaye toujours de mettre en relation avec la verdure chatoyante dont elle provient, mais c'est vraiment difficile.
C'est un livre fidèle à ses expériences : brutes, réelles, sans angélisme, sans atermoiement. L'écrivain ne s'exprime que rarement avec ses préjugés (même si deux passages m'ont un peu fait froncer les sourcils, comme lorsqu'il relate avoir mal au cœur quand un des congolais éduqués dont il parle s'est fait fouetter et qu'il regrette qu'on puisse infliger ça à une personne cultivée - oubliant par là maladroitement que fouetter une personne analphabète n'est en rien moins inacceptable).
Un livre à rencontrer, dans lequel se plonger, et dont on ressort difficilement.