Quiroga, l'homme des bois
Trop semblable à lui pour que la postérité lui laissât autre chose qu’un second rôle, trop différent pour trouver le même public d’aficionados lettrés, Quiroga est peut-être le nouvelliste sud-américain à qui Borges a fait le plus d’ombre. Le second n’appréciait pas la littérature du premier, mort trop tôt pour qu’on sache ce qu’il pensait du second. Borges le chic aimait à s’encanailler dans une sauvagerie de bon aloi, Quiroga le brut donnait à ses contes juste assez de raffinement pour qu’ils ne parussent pas des récits de terroir. Cela dit, les deux conteurs traitent les mêmes thèmes : folie et mort.
La rédaction de ces "Contes d’amour de folie et de mort" (au passage, il n’y a pas de virgule dans le titre du recueil : amour de folie et amour de mort) s’étale sur quinze ans, et ça se voit : si les thèmes sont récurrents — les mêmes que ceux d’"Anaconda", par exemple —, le style est très disparate, et rarement marquant. C’est à ses intrigues que Quiroga donne la priorité, d’où d’excellentes nouvelles à chute : « La Poule égorgée », « Les Bateaux suicides », « Le Solitaire », « L’Oreiller de plumes », « Le Miel sylvestre » ; tandis que les nouvelles « à ambiance » — genre où un Henry James, un Tchekhov restent deux crans au-dessus — valent moins pour leurs qualités littéraires que pour le regard porté par le conteur sur ces vies du quotidien que cernent la folie et la mort.
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