De ma première incursion dans le monde déglingué de Bukowski, je retiendrai plusieurs choses. D'abord, son écriture est fluide, émaillée de tournures de phrases parfois très bien senties. Les pages défilent, rapidement, facilement. Ensuite, à lire ces nouvelles, je comprends mieux ce qui a fait la réputation sulfureuse de l'écrivain : alcoolo notoire à la vie somme toute sordide et aux moeurs parfois très très limites, cynique, brut de décoffrage même dans le mauvais goût... Bref, un vrai déchet humain, mais un génie qui s'ignore, semble-t-il (impossible de ne pas faire le rapprochement avec notre Gainsbarre national, qui avait sans doute trouvé là un beau modèle d'inspiration). Cette "folie ordinaire" était tout simplement, à mon sens, sa vie ; une existence sans queue ni tête, rythmée par la boisson, le sexe et la fête, dont quelques pans nous sont livrés ici sous formes de nouvelles. Dans de rares cas, qui ne sont pourtant pas les moins intéressants, Bukowski délaisse un peu ce triptyque habituel et s'engage dans de beaux délires ("Le petit ramoneur", "La machine à baiser", "Le zoo libéré"), mais même ses personnages fictifs possèdent un côté obscur, totalement dément ou monstrueux. En fait, la meilleure façon de décrire l'atmosphère de ces histoires, ce n'est peut-être pas d'en parler, mais d'aller faire un tour du côté des oeuvres de quelques peintres un peu dérangeants, comme Francis Bacon, Lucian Freud, Egon Schiele ou Balthus : entre réalisme, fantasmagories et provocation.