Tolkien est plus qu'un écrivain, plus qu'un conteur, plus qu'un poète : c'est un prophète. Vivant et intemporel.
Ses contes et légendes inachevés du Premier Âge se subdivisent en deux récits :
- Tout d'abord, « De Tuor et de sa venue à Gondolin ». Des deux, c'est celui pour lequel l'inachèvement est le plus frustrant. Mais déjà il transporte le cœur et l'esprit. Le récit de Tuor est imprégné de la mythologie tolkienienne et de ses forces à la fois dantesques et mystiques. L'étendue de sa richesse se trouve à mon sens merveilleusement exprimée par le dessin qui figure sur la couverture de mon ouvrage, et qui représente Tuor seul devant les flots et dans le vent, épée et bouclier levés comme pour exprimer une soif siegfriedienne de triomphe et de puissance, face à Ulmo, le Seigneur des Eaux, gigantesque dieu régnant sur les mers et les océans.
- Ensuite, le « Narn i Hîn Húrin », la « Geste des Enfants de Húrin », bien que plus parcellaire, m'a-t-il semblé, que dans l'ouvrage éponyme postérieurement paru, est une sorte de concentré de tout ce qui est admirable chez Tolkien. On y retrouve bien évidemment tout l'aspect mythologique, les allusions directes ou indirectes aux mythes du Silmarillion, à la lutte des Edain et des Eldar contre Morgoth, à la bataille des Larmes Innombrables (Nírnaeth Arnoediad), aux filiations quasi-bibliques des héros... Et puis ces noms qui reviennent comme des incantations ! Túrin Turambar ! Beleg Cúthalion ! Nienor Níniel ! Neithan, ou Adanedhel, ou Mormegil !Toute la puissance des récits de Tolkien transpire dans l'éloquence phonique et graphique des noms qui parsèment son univers. Le personnage de Túrin est bien évidemment la clé de voûte du récit et nous emporte dans sa folie à la fois vengeresse et libératoire. Son hybris digne des héros des plus grandes tragédies grecques l'amène à se vouloir Maître du Destin, à vouloir conjurer la malédiction de Morgoth Bauglir, mais à finalement l'accomplir malgré lui. Rien n'est plus puissant que cette démonstration ardente de la lutte entre volonté et destin.
Je CROIS dans ces contes. Leur beauté inouïe égale celle des plus grandes légendes germaniques ou scandinaves. Et mon amour pour l'univers de Tolkien relève de l'acte de foi. C'est quelque chose qui ne s'explique pas. Mais ce monde me parle. Il fait sens pour moi.
Ces Contes et légendes inachevés m'ont donné envie de relire encore une fois leurs successeurs des Second et Troisième Âges, mais aussi et surtout, le Silmarillion, cette encyclopédie tourbillonnante et cosmogonique de la Terre du Milieu.
Avis à mes éventuels lecteurs : il n'est pas aisé de rentrer dans la création de Tolkien. Quand je dis « création », je parle plus de ces récits comme les Contes et légendes inachevés ou le Silmarillion, qui sous-tendent la mythologie de Tolkien, plutôt que de la trilogie mondialement connue du Seigneur des Anneaux, ô combien admirable elle aussi. Le flot de noms et de mystères qui inonde les œuvres de Tolkien sont sans doute à même de décourager de nombreux néophytes. Moi-même, je ne peux nier que j'ai trouvé une grande partie du Silmarillion (surtout au début) rébarbative. Mais il faut persévérer, lire, lire, relire et relire encore tous ces trésors pour s'en pénétrer et concevoir à quel point ils expriment un génie qui nous emporte dans un monde ancestral et exaltant, qu'aucune autre œuvre ne propose.
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