Bon je sais pas trop où je vais avec cette critique, je pense avoir vraiment intégré toutes les implications du livre ni même 100% de ce qui y est dit, d'autant que je n'ai pas lu Popper dans le texte (des articles que j'ai lu, il avait l'air conscient de pas mal de problèmes de ce qu'il proposait sans pouvoir y répondre, j'essaie de pas la caricaturer quoi) et a priori je le ferai pas de si tôt. C'est plutôt une tentative de formaliser ce que j'en pense et de me forcer à l'écrire.
Ce que j'aime bien c'est qu'il va encore plus loin que Kuhn dans la démystification de la science. Moi qui ai longtemps été un genre de fanboy de la méthode scientifique (et donc du falsisficationnisme sans m'en rendre compte), ça fait vraiment relativiser et me fait m'interroger. De ce que je comprends de la démarche de feyerabend, c'est sûrement l'objectif. Parce que oui, ça ne me convainc pas totalement. Certes le falsisficationnisme ne rend pas compte de l'évolution des sciences, c'est un fait (à ce sujet, à ce jour je pense que c'est Deutsch qui tient la meilleure explication), mais ça reste un bon idéal selon moi même si le postulat d'autonomie des faits reste faux et très problématique. Disons que Feyerabend est très critique mais j'ai le sentiment que c'est parfois un peu abstrait ou en tout cas que les implications pragmatiques sont faibles (pour le principe d'autonomie par contre c'est grave). C'est peut-être que je vois juste pas d'exemple où c'est problématique.
Ce qui reste c'est donc l'idée générale, ce pour quoi on l'invoque en général, son "anything goes". Sur le principe, je suis d'accord, j'aime bien qu'il soit pas aussi relativiste que j'aurai pu le penser au départ, ce n'est pas réalité qui est relative mais la méthode pour l'étudier (même si il reste réaliste je crois et ça ça me semble intenable comme position). M'enfin de là à dire que la science et le mythe soient aussi proches faut ptet se calmer. Il faut certes une sorte d'humilité pour la science (qui est fausse mais moins que le reste) mais j'ai quand même l'impression qu'il y a déjà pas mal d'humilité dans la science, c'est peut-être un peu superflu d'autant se pencher sur la méthode. En fait on voit jamais ce qu'on rate actuellement, on voit ce qu'on aurait pu rater en se fiant trop à une méthode rigide (sans faire d'ad hoc par exemple) sauf ben les scientifiques font de l'ad hoc, ya pas eu besoin de feyerabend pour ça.
L'institutionnalisation de la science met plus de pression qu'à l'époque de Galilée bien sûr, certains outils statistiques (j'ai personnellement envie de me défenestrer dès que j'entends "statistiquement significatif" mais passons) sont vu comme un peu absolu bien sûr, mais la science d'aujourd'hui fonctionne très bien. Je prône pas un statut quo au contraire mais ce démantèlement de la science me semble disproportionné et des fois il fait des raccourcis, je comprends pas toujours la démonstration donc ça parait un peu de la critique pour de la critique.
Mais comme j'ai dis, sur le principe je d'accord, tant que ça marche, autant prendre, ya plein d'exemple dans l'histoire où une prétendue méthode scientifique fini par détruire du savoir (cf Fressoz et l'exemple des naturalistes qui ont fait des inventaires pour étudier l'exploitation de varech mais qui ne se sont pas basés sur les pécheurs qui avaient une connaissance fine des interactions), dans mon école on parle beaucoup des sciences participatives, on sait avec Kuhn que la science est aussi un phénomène social, Feyerabend parle à un moment que la science à servit à éteindre les coutumes des pays colonisés et donc participer à l'hégémonie européenne etc tout ça c'est très bien mais une méthode pour cadrer le tout c'est quand même bien (je sais que feyerabend n'est pas contre ça) mais est ce qu'on a vraiment le temps et les moyens de s'occuper de toutes les manières connexes de construire du savoir alors que la science marche très bien ? Je ne pense pas.
Pour conclure, je dirai qu'en temps que (pseudo) bayésien, je n'ai pas pas tant de mal que ça à accepter cet anarchisme épistémologique (se serait pas plutôt une forme de libéralisme d'ailleurs ?), je ne tiens plus tant que ça au mythe de l'objectivité épistémique, ça n'est pas incompatible avec le déterminisme, le matérialisme qui me sont chers mais ce mythe de l'objectivité est quand-même bien pratique. Je pense que c'est surtout la prudence qu'il faudrait promouvoir et la connaissances d'autres épistémologies pour, au moment opportun, déceler les failles de ses méthodes. Je pense que même le positivisme peut être utile pour approfondir des théories.
Bref c'était assez stimulant même si peu agréable à lire, je modifierai ptet cette critique plus tard, selon l'avancé de ma pensée là dessus. J'aurais bien voir ce que cet ultime rationaliste de Lakatos aurait pu répondre si il avait été vivant mais bon.