Tout ou rien...
C'est ce genre de film, comme "La dernière tentation du Christ" de Scorsese", qui vous fait sentir comme un rat de laboratoire. C'est fait pour vous faire réagir, et oui, vous réagissez au quart de...
Par
le 6 sept. 2013
58 j'aime
10
Attention ! Il ne s'agit pas du tout, comme je le croyais, d'un livre d'entretiens avec Michael Cimino. Cela dit, à sa manière, ce livre est très personnel.
Il est en deux parties.
La première partie, conversations en miroir, est une sorte de journal que Cimino écrit au fil de l'eau, en général par sessions de 2-3 pages, pour se confier. Sur ses angoisses, ses frustrations. Et que dire ? C'est le syndrôme d'autodestruction de tous ceux qui ont été attirés par Los Angeles (à laquelle Cimino consacre beaucoup de temps pour en démonter l'artificialité). Le mythe (Cimino se surnomme dedans "Le Mythe") et son envers. Mais bien bien sombre. Les coups de fil de pote qui sont en train de se suicider. Ce genre de moments sympathique que Cimino veut partager avec nous. Un besoin de reconnaissance fou, aussi.
La deuxième partie, A hundred oceans, est un roman. Un roman au sujet surprenant : un ouvrier qui travaille dans une mine de cuivre à ciel ouvert, C.J. Stratton Junior, n'a cessé de s'entraîner au golf, car la seule chose que lui ait transmis son père, c'est un sac de clubs d'une qualité rare. Il rencontre une serveuse de dinner room, Rita, qui vit dans une caravane avec sa fille Kathleen (qu'il rebaptise Houlihan). Il s'attache. Lorsqu'il apprend qu'il n'en a plus pour longtemps à pouvoir encore utiliser son épaule, Rita le pousse à plaquer son travail et vivre du golf. C. J. veut briller. Il va rencontrer sur son chemin qui le mène vers la célébrité les heureux de ce monde : un riche mécène, Bunny, avec son parasite suave Larry, et surtout, la belle et volontaire Brooke.
Le premier livre est étonnant de miévrerie, mais c'est fait exprès. C.J. rencontre l'amour, échange des niaiseries chaleureuses avec la gamine, gagne le championnat amateur, ce qui lui donne le fric pour faire le tour pro. Le deuxième livre noue le drame. Rita vit très mal une réception chez les riches où tout la renvoie à ses origines modestes, alors que sa fille semble faite pour ce milieu et a beaucoup d'affinités avec Brooke. Ses démons alcoolisés ressurgissent. Le troisième livre annonce brutalement le mariage de C. J. avec Brooke, et son intention de continuer le championnat. Mais il apprend le suicide de Rita, qui a eu un accident de voiture avec Kathleen, puis s'est noyée en nageant aussi loin qu'elle le pouvait. Conscient qu'il a perdu la seule femme qui, en dépit de ses défauts, l'aimait vraiment, C. J. plaque le championnat, retrouve un travail à la mine pour que l'assistante sociale lui confie la garde de la petite. Brooke, contre toute attente, ne le plaque pas, même s'il vit dans le souvenir de Rita. La dernière scène montre la famille recomposée au bord de la mer. Kathleen rapporte un club à C. J., qui a complétement lâché le golf. Il lui montre comment faire en lançant un drive qui semble expédier sa balle dans le soleil. "Est-ce qu'elle reviendra un jour ? - Un jour".
C'est un roman qui commence de manière peu prometteuse, très linéaire, sans non-dit, sans suspense, on a l'impression d'une écriture laborieuse. Et puis l'on retrouve le goût de Cimino pour l'absence de transition, les ruptures nettes que créent les personnages par leurs propres tendances à l'autodestruction. Alors bon, un ouvrier qui cite Shakespeare ou le folklore irlandais, ça sonne un peu littéraire, tout comme la fin de Rita rappelle certains scénarios hollywoodiens.Et la gamine parle comme une gamine dans les films (derrière ma naïveté, j'appuie là où ça fait mal). ça reste tout de même prenant, et pas si cinématographique que ça, ce qui est une bonne surprise, au fond.
Ce livre composite insiste sur la facette torturée, maudite de Cimino. Elle lui laisse la parole, c'est intéressant. Pas pour comprendre son oeuvre. Pour le voir à l'oeuvre sur des projets un peu différents.
Créée
le 23 août 2015
Critique lue 215 fois
3 j'aime
Du même critique
C'est ce genre de film, comme "La dernière tentation du Christ" de Scorsese", qui vous fait sentir comme un rat de laboratoire. C'est fait pour vous faire réagir, et oui, vous réagissez au quart de...
Par
le 6 sept. 2013
58 j'aime
10
Milieu des années 1970 dans la banlieue de Seattle. Un mal qui se transmet par les relations sexuelles gagne les jeunes, mais c'est un sujet tabou. Il fait naître des difformités diverses et...
Par
le 24 nov. 2013
43 j'aime
6
"Crossed" est une chronique péchue, au montage saccadé, dans laquelle Karim Debbache, un vidéaste professionnel et sympa, parle à toute vitesse de films qui ont trait au jeu vidéo. Cette chronique a...
Par
le 4 mai 2014
42 j'aime
60