CosmoZ est une histoire pour le moins peu commune. Peu commune et peu commode, qu’il faut tâcher d’apprivoiser de ligne en ligne pour se maintenir à flot.
Dès la première phrase du prologue, on croit que le ton est donné : « Tu t’appelles Dorothy, tu es une petite fille et tu vis au Kansas, au milieu des grandes plaines grises, avec ton oncle et ta tante, eux aussi gris, et seul ton petit chien Toto n’est pas gris, son poil est noir et soyeux, il te fait rire, d’un rire dont on aurait du mal à déterminer la couleur, mais qui, correctement nuancé, devrait pouvoir t’aider à surmonter tout ce gris. » Pourtant, rien n’est moins sûr, et la suite ne tarde pas à le démontrer. Le pays d’Oz, c’est la terre de l’arc-en-ciel, des routes pavées d’or : le gris ne domine guère longtemps ce roman haut en couleurs.
Les adjectifs ne manquent pas pour qualifier un tel objet littéraire. Bizarre et différent, drôle et innovant, onirique et cauchemardesque, la liste pourrait s’allonger encore et encore. L’écrivain, loin d’utiliser la langue calme et posée des académiciens, livre une écriture bataille où les mots, inépuisables, s’entrechoquent avec vacarme.
Mais de quoi retourne-t-il ?
On peut considérer CosmoZ comme une revisite de l’histoire du magicien d’Oz, quoique ce serait un point de vue réducteur. Certes les principaux personnages du roman s’y retrouvent, mais d’autres s’y ajoutent, les influences sont nombreuses et les univers se confondent jusqu’à égarer le lecteur dans une poésie prosaïque indémêlable.
L’une des grandes interrogations du roman est de savoir comment le monde a bien pu commencer. À défaut de répondre à cette question existentielle en dévoilant l’origine du monde, ce livre apporte au moins quelque sombre éclaircissement ou obscur éclairage sur la genèse de l’univers étrangement féérique sorti tout droit de l’imaginaire de L. Frank Baum.
Sous la plume de Claro, Nick Chopper et Oscar Crow deviennent des invalides de guerre, la sorcière de l’Ouest une aviatrice épileptique, les munchkins des nains exploités dans une troupe de freaks, et ainsi de suite. Ce cabinet de curiosités ambulant sillonne le monde, de l’Europe aux Etats-Unis, en vivant des aventures plus extravagantes les unes que les autres, sans même en apercevoir le sens.
Pourtant, leurs péripéties ont un sens. Un sens caché, satirique. Contestataire même. Un portrait allégorique des grands événements du XXème siècle, aussi ravageurs et destructeurs que le cyclone qui emporta la maisonnette de la jeune Dorothy.