Je découvre l'auteur par hasard ; mon libraire préféré à Bruxelles a composé sa vitrine avec uniquement des titres faisant référence à la couleur pour cet été.
Le bouquin comporte trois parties :
1) 7 nouvelles
2) 4 nouvelles et souvenirs
3) Les juifs.
Si tout est intéressant, c'est la première partie que j'ai préféré ; pourtant ma nouvelle préférée est dans la deuxième partie et s'intitule "Ferruccio". Elle parle de l'amour que l'on porte à ses enfants mais un amour qui comporte aussi sa noirceur. Une nuit, une mère se réveille et se demande si son fils est bien là. Après avoir vérifié, elle constate que son lit est vide. Elle réveille alors le père qui réveille tout l'immeuble et le voisinage dans l'espoir de récolter des indices. La police conseille de ne pas trop s'inquiéter, c'est sûrement une farce. Et en effet, après plusieurs heures de paniques durant lesquelles les parents ont questionné leur amour pour lui, Ferruccio revient, un panier à la main. On le questionne : j'étais parti à la pêche, j'ai toujours entendu dire que la pêche au clair de lune est une expérience unique et que les poissons mordent facilement à l'hameçon, je nous ai ramené plein de poissons pour demain ; ho maman je m'excuse de t'avoir inquiétée, je ne pensais pas à mal. Le père prend alors un bâton et frappe son fils de nombreuses fois devant tout le monde immobile, avant de lui interdire de sortir de la maison pendant plusieurs semaines. Cette nouvelle m'a complétement pris aux tripes. Deux points de vue différents, une seule nuit pour un petit drame, des parents qui expriment leur amour pour leur fils et qui ne pensent qu'à le corriger une fois à la maison. On sait que chaque coup est l'expression d'un amour sincère mais c'est une façon de le dire tellement maladroite.
Le reste de ce triple recueil est d'un bon niveau aussi ; l'auteur aborde toujours les mêmes thèmes : la pauvreté, le tempérament macho des mecs. Il se plaît également à adopter le point de vue de salauds et de leur donner une raison de comprendre leur fonctionnement, que ce soit ce père violent lors de cette nuit de pêche ou cet homme qui décide de plaquer femme et enfants parce qu'il n'en peut plus de cette vie de famille.
La partie sur les Juifs m'a moins plu car c'est décousu : on a trois histoires qui se suivent puis on nous signale que la suite est dans un autre bouquin, on nous balance alors une autre nouvelle qui semble incomplète mais qui n'a plus rien à voir avec les précédentes. On reste donc sur sa faim.
Le style de Umberto Saba est simple, dépouillé, efficace. Il se montre un peu plus maniéré dans sa troisième partie, avec des phrases plus longues et un vocabulaire plus riche. C'est moins agréable à lire et parfois on se demande même s'il ne cherche pas juste à créer des effets.
Bref, chouette bouquin dans l'ensemble, ça me donne envie d'approfondir sa bibliographie.