Tchécoslovaquie, à la fin des années 30. La Seconde Guerre mondiale n’est pas encore tout à fait déclenchée. Les nazis ont bien envahi les Sudètes, mais c’était presque naturel tant cette région est de tradition teutonne. Emil (francisé en « Emile » avec un « e » terminal par Jean Echenoz) aurait aimé être instituteur. Mais dans son pays, être instituteur revient souvent à être professeur de chant. Or, Emil chante comme une casserole. Il entre donc à l’usine Bata de Zlin où il multiplie les postes merdiques et sous qualifiés. Dans le même temps, il poursuit des études de chimie (il a 17 ans) dans l’espoir de faire quelque chose de sa vie.
Pour promouvoir ses produits, l’usine Bata (célèbre marque de godasses, faut-il le rappeler) décide d’organiser une course. Et d’y faire participer les employer. Emil, le sport, ça le gonfle prodigieusement. Il déteste le foot et trouve qu’il faut vraiment être con pour tous courir au cul du même ballon. La course à pied ne présente aucun intérêt non plus. Oui mais voilà, les organisateurs ne leur laissent pas le choix : tous doivent participer ou prendre la porte. Emil s’aligne donc avec les autres et court. Et termine second sans même s’en apercevoir.
Pour faire plaisir à ses potes, il accepte de les accompagner dans leur footing. Ca ne l’intéresse pas mais il est comme ça : il ne sait pas dire non. Or, petit à petit il se prend au jeu. Et finit même par aimer ça : le sport peut être un plaisir. C’est pour lui une grande découverte. Il court désormais pour le plaisir. Il court, il court p’tit Emil : il est passé par ici, il repassera par là… Il court sans cesse. Il s’entraine et participe à des compétitions locales. Il commence à gagner. Les compétitions locales deviennent régionales, puis nationales. Emil devient l’homme le plus rapide du pays.
A la fin de la guerre, il incorpore alors l’armée. Pour continuer à courir (l’armée apprécie les sportifs de haut niveau) et parce qu’il faut bien faire quelque chose. On décide de l’envoyer à Oslo pour les championnats d’Europe d’athlétisme de 1946. Il bat de nombreux records tchécoslovaques mais termine derrière les cadors européens.
Puis ce furent les jeux interalliés de Berlin et la première grande victoire. Diverses autres compétitions et les JO de 1948 à Londres. Puis les JO de 1952 à Helsinki qui voient le sacre d’Emil, l’homme plus rapide du monde, surnommé la « locomotive » qui remporte (et c’est un cas unique dans l’Histoire) trois médailles d’or : sur 5.000, 10.000 et marathon.
Jean Echenoz, dans ce court roman, retrace la vie d’une légende : celle d’Emil Zatopek. Avec sa fabuleuse écriture que j’ai découvert avec son roman « 14 », l’auteur parle avec humour du grand homme et un cynisme savoureux du socialisme soviétique qui marqua l’ensemble de la vie du sportif et opprima des millions de personnes. Une écriture brève, pure. Tout en concision : pas un mot de trop, l’essentiel et rien que l’essentiel.
Echenoz est auteur qui me convient décidemment bien. J’aime énormément !
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