Jack London nous emmène sur les traces de Croc-blanc, un jeune loup mâtiné de chien qui va découvrir la vie sauvage puis la vie de camp avant de connaître la vie domestique.
Ce long apprentissage se veut donc empirique et l'auteur nous le fait incroyablement ressentir en faisant de ce loup un vrai personnage, dont on connaît l'état d'esprit, dont on partage la moindre émotion. Il est surtout amusant de voir ce loup appréhender la vie avec une certaine philosophie et un raisonnement, pas seulement avec ce que peut lui dicter sa nature, ses gênes voire cet instinct transmis de génération en génération et qui a quelque chose du magique.
Ainsi Croc-blanc analyse les dangers, les catégorise et adapte son comportement pour mieux survivre mais aussi mieux vivre dans ce monde sauvage dans lequel il s'agit avant tout de manger ou d'être mangé. On notera d'ailleurs avec amusement que cette notion de philosophie trouve écho avec la caverne dans laquelle nait Croc-blanc, qui fera immédiatement penser à celle de Platon.
On aime alors à partager les découvertes du louveteau, qui va très vite rencontrer l'être humain, nouveau danger, nouveau maître surtout après celui que pouvait incarner sa mère.
Roman d'apprentissage comme tant d'autres avant lui, Croc-blanc a le mérite de proposer quelque chose de nouveau grâce à la nature différente de son protagoniste, grâce à cette habile transition aussi entre un début narré du point de vue humain avant que ne s'opère un basculement vers Kiche puis vers le jeune loup.
Celui-ci va donc découvrir la nature avec ses règles sans notion de justice puis l’humain avec l'apparition de la justice mais aussi fatalement de l'injustice ; de la haine et donc fatalement de l'amour. Il y aurait presque un parallèle à faire avec un parcours d'être humain qui découvrirait le monde, les sentiments, la présence d'un Dieu (ici incarné par l'être humain) à la fois punisseur et récompensant, puis la compréhension et l'adaptation à la société et la création d'une vie de famille.
C'est toute cette richesse qui fait de Croc-blanc un roman assez dense même si les luttes intestines au sein du clan indien peuvent finir par lasser sur quelques chapitres à force de répétition. Cela reprend heureusement de plus belle avec l'arrivée à Fort Yukon qui permet d'amener de nouveaux éléments de compréhension de l'homme ces fameux sentiments de haine/amour que va éprouver le loup.
Une bien belle réussite donc, qui se démarque dans un genre pourtant encombré.