Je n'ai pas fondamentalement d'irrespect pour les policiers spécialisés dans la cybercriminalité, bien au contraire. Ils sondent largement davantage les tréfonds de l'âme humaine que beaucoup d'autres de leurs congénères et doivent assister à des spectacles d'horreurs qu'un esprit profane ne soupçonne pas. Mais Pierre Penalba, qui nous livre ici généreusement ses exploits, qu'il présente comme des affaires dont il a eu connaissance, et qui paraissent être des panégyriques à sa gloire, fait partie de ces cow-boys se vantant largement de prendre des libertés avec la procédure pénale, qui est un des fondements de notre Etats de droit. Ainsi, entre les escroqueries, les chantages sexuels, le visionnage de contenu pédopornographique, le policier expérimenté nous raconte ses enquêtes les plus marquantes pour, écrit-il, ou fait-il écrire, exorciser la violence de ce qu'il a vu. Evidemment, ce projet est tout à son honneur tant le citoyen est très peu au courant de ces types d'enquêtes et d'affaires. Néanmoins, ce livre est à peu près ce que l'on peut faire de pire en matière de vulgarisation policière et juridique, d'abord parce qu'il est terriblement mal écrit : on se demande largement l'intérêt de faire écrire son livre par quelqu'un d'autre pour à peine atteindre le niveau stylistique d'un enfant de 7 ans, mais en plus parce qu'il déborde de propos problématiques et même de fausses informations juridiques! Dès la première affaire, qui retranscrit un dialogue entre une épouse se plaignant des téléchargements illégaux de son époux dont elle désire divorcer et notre MacGyver de la cyber-police, il démontre son absence de connaissance du droit en lui rétorquant qu'elle est sans doute complice, ce qui d'un point de vue purement pénal, est complètement faux. Vous avez alors une idée de la suite du bouquin : des approximations et surtout, beaucoup, beaucoup, de vantardise.
Mais là n'est pas encore le plus grave. Qu'un policier maîtrise mal la procédure pénale, cela arrive et on ne peut pas être parfait (surtout vu la qualité de leur formation). Qu'un policier doive faire écrire son propre livre car il maîtrise mal la syntaxe et l'orthographe, la lecture des PV démontre que cela est largement répandu, et il est même une belle preuve de modestie que d'accepter de se faire aider. Qu'un policier se vante de sa brillante intelligence et de son grand courage, étant donné la dureté du métier, le lecteur peut encore le souffrir. Mais ce qui est le plus problématique est cette arrogance et cette incompréhension de la criminalité qu'il combat. Ce qui m'a le plus frappé, c'est sa conception de la pédo-criminalité. Nous racontant les différentes interpellations et perquisitions faites à l'égard de consommateurs de pédopornographie, le policier nous offre ses impressions. Il est frappant que le policier connaît extrêmement mal la réalité psychiatrique de la pédophilie. Arguant que la consommation de contenu conduit quasiment toujours aux agressions, il se trompe. Prétendant que la pédophilie est par nature dangereuse et prédation en puissance, il prouve qu'il a raté ses cours de criminologie. Il ignore alors que la récidive est rare, que le visionnage de contenu ne mène que très rarement aux agressions, que les thérapies sont efficaces en matière de soin des malades et participe alors au durcissement du droit pénal, à sa moralisation et surtout à son populisme crasse. Mais la manière dont, du haut de son piédestal, il se permet de juger de la qualité de l'humanité de ceux qu'il arrête, y compris les plus misérables, y compris même parfois les plus légaux : en se moquant également des sadomasochistes, des libertins et des faibles d'esprit, devient vite révoltante. Pierre Penalba est persuadé, sans aucun doute ni remise en question, de la légitimité et du bien-fondé de ses assertions ainsi que de ses pratiques. Sûr de lui-même, arrogant et insupportable de suffisance, le policier n'a aucune densité philosophique ou éthique. Moraliste, maccarthyste, héraut du bien, il démontre surtout sa vacuité intellectuelle. Plus proche du pilier de bar du PMU que d'un véritable grand technicien, le titre du livre aurait sans doute été plus pertinent s'il avait été "CyberPlouc". A éviter par dessus tout.