Traitez moi de branleur mais je n'aime pas particulièrement lire une pièce de théâtre. Il y a bien quelques Shakespeare mais la plupart du temps, je peine à m'y plonger, peu aidé par une multitude de personnages. Je préfère largement les jouer (aaah, "Les fourberies de Scapin" en classe de 5ème...) ou assister à une représentation. Bien que dans le cas du "Cyrano de Bergerac" de Rostand, je suis étonnement rentré dedans dès le premier acte, pourtant généreux en protagonistes.

Librement adapté d'un personnage réel, véritable prise de risque pour l'époque (à tel point que l'auteur s'excusera auprès de son comédien Coquelin de l'avoir entraîné là-dedans) mais énorme succès immédiat (vingt minutes de standing ovation), "Cyrano de Bergerac" capte tout de suite l'attention du lecteur / spectateur par son universalité, par son romantisme flamboyant, douloureux récit d'un amour contrarié à sens unique voyant un preux mousquetaire au verbe éloquent laisser dans l'ombre l'amour qu'il porte à sa cousine au profit d'un jeune concurrent au physique bien plus avantageux, à qui il prêtera sa verve poétique.

Toute personne ayant un jour aimé, ayant senti son coeur exploser au contact d'une autre personne, tout amoureux éconduit n'ayant pu laisser parler son coeur éprouvera forcément une tendresse infinie envers ce héros haut en couleur et magnifique, Gascon au sang chaud capable de pourfendre mille soldats mais incapable d'avouer son amour à visage découvert à l'élue de son coeur, amoureux malheureux et torturé dissimulant ses blessures derrière une façade grandiloquente à nul autre pareil.

Rédigé avec un soin infime, "Cyrano de Bergerac" marque également par son écriture, par la finesse de ses dialogues que l'on ne peut s'empêcher de réciter à gorge déployée même sur le trône (l'acoustique de mes WC est digne de l'Opéra Garnier), Rostand maniant le verbe avec maestria et transformant un simple enchaînement de mots en pure mélodie lyrique, achevant de faire de sa pièce une des plus belles qu'il m'ait été donné de lire, à moi qui ne suis pourtant pas friand de l'exercice.
Gand-Alf
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le 26 juin 2014

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Gand-Alf

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