Après en avoir entendu parlé à toutes les sauces un peu partout, là je pourrai au moins me référer à l'histoire originale et surprise, cette pièce de théâtre est beaucoup plus drôle que je l'imaginais. Dans le genre "cape et épée", on nage en terrain connu avec l'amour courtois, les mousquetaires courageux et la romance triangulaire, mais Cyrano en lui-même est rafraichissant par rapport au reste. Intelligent, créatif, éloquent, philosophe et galant, il a vraiment tout pour lui, malgré son "grand nez". En fait, c'est si peu comme "tare" comparé à ses qualités que ça en devient ridicule.
Essentiellement, l'histoire de Cyrano repose sur la combinaison de deux hommes pour séduire une femme, l'un doté de la beauté physique, l'autre doté d'un esprit vif. Et Rostand nous raconte comment le second a eu le dessus sur le premier en fin de compte. J'aurais presque envie d'alléger que l'auteur combattait les préjugés, en ce qui concerne les jugements basé sur le physique seul. Qu'est-ce qu'une belle enveloppe si le contenu est insipide? C'est très actuel comme pensée, à une époque où malheureusement le physique occupe beaucoup trop de place. Ce qui fait donc de Cyrano de Bergerac une oeuvre intemporelle.
En ce qui concerne la romance, là on nage en terrain connu. On badine, on fait la cour à grand renfort de poésie et d'âme tourmentée par la violence des sentiments et on se pâme pour un baiser. On élève l'amour a un sentiment plus noble que la simple union charnelle, à un niveau presque intellectuel. Ce n'est donc peut-être pas quelque chose de très connu pour les modernes que nous sommes, mais l'idée est plaisante: être séduit pour la beauté du verbe et aimer pour la symphonie de deux esprits qui se côtoient et s'harmonise.Une chose est sure, ça nous change des romans où les protagonistes ne jurent que par les apparences et les performances au lit.
L'humour est aussi très présent, sous forme fréquente de joutes verbales et de jeux de mots comiques. le passage de Cyrano et Christian avec les expressions "nasales" était tordante! Et rien - hormis les insultes nasales justement - ne semblait perturber Cyrano quand on osait s'en prendre à lui. Et bien sur, on reconnaitre le génie de Rostand avec le passage où Cyrano trouve le moyen de qualifier son nez selon le trait de personnalité, le fameux "C'est un mont, c,est un pic...".
Chose certaine, malgré quelques difficultés qui relève du manque de visuel ( les pièces de théâtre sont toujours meilleures avec des acteurs pour la valoriser) et quelques détours de définitions sur des mots vieillots, lire Cyrano aura été une partie de plaisir qui sera sans aucuns doutes à renouveler!