Le derrière entre deux sièges
C'est peu de dire que j'aime ce qu'écrit Antony Beevor, le bonhomme à le génie de rendre l'histoire vivante et en ce sens, "la chute de Berlin" est juste un monument.
Hors, pour cet opus consacré à la bataille de Normandie, sujet vaste et touffu s'il en est, l'auteur n'a pas su ou voulu choisir son angle d'approche.
Pas que le livre soit mauvais, loin de là, ça reste remarquablement écrit, mais entre les témoignages brut de décoffrage des vétérans et l'analyse factuelle, il faut faire un choix.
Trop souvent, on passe d'une page à l'autre de l'exposition de faits remarquablement documentés qui éclairent l'histoire d'un jour nouveau (on savait que Montgomery n'avait pas que des amis, mais à ce point, ça laisse pantois), à des passages tirés de souvenirs, de témoignages et de rapports d'époque clairement fantaisistes. Le soucis, c'est que ces "faits" ne sont que trop rarement mis en doutes ou modérés par l'auteur.
Du coup, on se retrouve avec d'un côté un ouvrage passionnant et qui défriche des pistes neuves, notamment sur les prises de décision des états majors, à un recueil des plus grossiers clichés sur la Normandie.
Ces récits de vétérans sont toujours à prendre avec des pincettes, il m'est arrivé de discuter avec un vétéran allemand qui me disait qu'à la fin de la guerre, c'était impossible de combattre des russes équipés de ... kalashnikov. En 45...
Tout férus d'histoire le sait, au bout de 50 ans et plus, les vétérans ont raconté 200 fois leurs histoires, ont modifié, enjolivé la chose. Idem pour les rapports de terrain, quasi systématiquement bidouillés.
C'est dommage que Beevor ne se soit pas imposé plus de rigueur. Le passionné sait faire le tri, le lecteur lambda non. Du coup, les histoires extravagantes de simples soldats anéantissant des colonnes blindés entières avec une grenade ou deux passent pour véridiques, et donnent presque l'impression que la normandie, c'était trop facile vu que les allemands se battaient avec des engins en fer blanc.
C'est dommage, d'autant que "Stalingrad" et "la chute de Berlin" avaient su intelligemment éviter l'écueil du cliché (encore que pas toujours).
Pour résumer, c'est toujours aussi passionnant, ça se lit d'une traite (ou deux, c'est quand même long), c'est plein d'excellentes choses, mais ce "D day" n'est réellement pas LE livre sur la bataille de Normandie.