Les nouvelles permettent un confort de lecture, celui de considérer une histoire rapidement et de ne pas avoir le temps de s'ennuyer. C'est un petit luxe que je me permets souvent, les trajets en bus passent plus vite. Avec "Daisy Miller", je suis resté sur ma faim et surtout, j'ai eu l'impression d'être trompé sur la marchandise. Déjà parce que le mec qui m'a refourgué le livre me l'a vendu à plus de deux euros. Or, deux euros, c'est le prix affiché sur la couverture du livre. Vous n'imaginez pas ma colère quand j'ai appris ça. Je me suis alors dépêché d'aller sur le site me plaindre allègrement auprès de ce triste individu. Enfin, c'est ce que j'aurais aimé faire, car je suis lâche et surtout très flemmard.
Et la couardise, Daisy Miller ne connait pas ! C'est une jeune femme affranchie, qui n'a que faire des convenances et du qu'en-dira-t-on. Innocence folle ou jeu dangereux auquel elle s'adonne ? C'est toute la question que se pose le personnage principal, Winterbourne, qui tombe très vite sous le charme de cette somptueuse Daisy qui ne craint personne, ni même sa mère ! Elle est joviale, authentique, audacieuse mais surtout très décontractée dans son approche de la société et dans son rapport aux autres. Ca ne l'empêche pas d'être "select", entendons-nous bien. Américaine et fière de l'être, elle court les dîners, les sorties avec ses nombreux amis masculins, dans cette Europe qui n'apprécie que moyennement ces manières disgracieuses. Traîner dans la rue avec un sieur aux mauvaises intentions certaines, c'est un homme après tout, mais enfin, quelle idée ! Et cette Daisy Miller, libre de tous les préjugés, n'a que faire des états d'âme de notre héros qui tente vainement de l'apprivoiser. Elle semble imperturbable et inaccessible...
Une nouvelle intéressante qui me surprend d'abord par le style de l'auteur. Henry James, de ce que j'en découvre, alterne avec brio les descriptions, les pensées des personnages et les actions et fournit au lecteur un rythme très soutenu alors qu'en réalité, il ne se passe pas grand chose. Sa plume est légère et habile, c'est un plaisir de suivre avec autant de facilité et de souplesse chaque page du récit. Je retrouve une certaine élégance dans ses mots.
Je suis néanmoins déçu par la quatrième de couverture qui annonçait "un admirable portrait d'une femme libre dans une société engoncée dans ses préjugés". Si le sujet semblait ambitieux, la nouvelle est trop courte et le personnage de Daisy Miller trop mal maîtrisé pour être à la hauteur des ambitions de l'auteur. D'une part, on ne parle quasiment jamais de la société en elle-même. les rares fois où elle est évoquée, ce sont des rumeurs colportées par le narrateur ou les personnages secondaires. On sent bien que Daisy Miller est complètement à contre-courant mais ce n'est en rien le portrait d'une insoumise dans une époque qui annihile tous ses désirs. L'histoire reste dans un cadre familial. Et d'ailleurs, cette dernière apparaît plus comme une jeune fille perdue et impudente que comme une "femme libre". Bien sûr, on aime à penser que cette liberté qu'elle s'accorde est une bonne chose et que son comportement est justifiable et admirable, mais elle passe son temps à répéter les mêmes élucubrations et dévoile une personnalité très frêle et très fêlée ce qui ne la rend pas forcément crédible dans ce rôle que lui donne Winterbourne. J'ai eu la sensation qu'elle était "libre" non pas par "choix" mais par jeunesse et qu'elle ne maîtrisait pas sa vie car elle ne maîtrisait pas encore son esprit et ses passions. J'aurais aimé un texte semblable avec une femme plus mûre ou plus attachante. C'est le portrait d'une jeune fille en manque d'affection et de reconnaissance plus qu'une figure notoire de l'émancipation de la femme. Je reste sur ma faim.
En bref, un peu déçu par ce livre mais pas par l'auteur que je suivrai volontiers dans d'autres aventures. Celle-ci me laisse un peu circonspect mais présage un talent pour mettre en lumière la gent féminine indubitable.