Ce n’est pas la première fois qu’un auteur imagine les agissements d’un criminel en temps de guerre (la BD Notre mère la guerre par exemple fonctionne sur le même principe). Si le procédé n’est pas nouveau, Hervé le Corre l’utilise pour mener une réflexion plus large sur le bien, le mal et la complexité de la nature humaine. Il ne pouvait trouver un meilleur décor que le Paris agonisant de la semaine sanglante. Pendant dix jours, du 18 au 28 mai, il nous entraîne sur les pas du commissaire, du kidnappeur et de son complice, des femmes enlevées et séquestrées dans une cave, mais aussi de communards prêts à défendre la moindre barricade, d’infirmières débordées par l’afflux de blessés ou de parisiens terrés dans leurs appartements.
Un roman à l'ambiance étouffante qui montre à hauteur d’hommes le climat d’insurrection, la chienlit, le désordre des troupes. Le chaos est partout, les rêves d’utopie ne seront bientôt plus que poussière. Et Hervé Le Corre excelle à décrire le bruit du canon, les immeubles qui s’effondrent, les incendies, les ruines, les gravats, le verre brisé sous les semelles. Il n’épargne pas les combattants aux membres arrachés, aux têtes pulvérisées par un éclat d’obus, aux tripes étalées par la mitraille. C’est incroyablement intense et réaliste, même si les descriptions deviennent par moment un peu répétitives.
On sent chez le romancier une évidente tendresse pour les communards mais son regard n’a rien de l’optimisme lyrique d’un Jean Vautrin par exemple (Le cri du peuple). Son ton est bien plus mélancolique. Certains insurgés continuent de croire au grand rêve de la liberté guidant le peuple mais chez la plupart c’est la lucidité qui l’emporte. Plus les jours passent et plus se renforce la certitude qu’il n’y aura pas de lendemains qui chantent. Qu’il n’y aura pas de lendemains du tout. Et pourtant ils restent debout face à l’ennemi. Ils font ce qu’ils ont à faire. « Ce qu’ils croient non pas raisonnable, mais juste. Ils savent l’issue. Ils connaissent la fin. » Tout est dit.