Little Miss Sundown
L'apparition de ce livre sur les présentoirs de librairie en ce début 2017 m'avait pour le moins intrigué. Son titre, d'une simplicité presque banale, inaugurait un contenu mystérieux, sensation...
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le 1 juil. 2017
20 j'aime
5
Je trouve la plus grande partie du livre assez réussie.
J’aime cette vision de l’apocalypse, que l’on ressent plus dans la tonalité mélancolique de l’ensemble de l’oeuvre que dans une narration frénétique ou trop exhaustive. La fin du monde est clairement en arrière plan dans ce livre, elle vient s’imposer à Nellie et Eva en surgissant, parfois très brutalement, pour montrer qu’elle est là (avec le 1er amour de Nellie, avec le violeur d’Eva), mais la plupart du temps, elle pèse par l’ennui qu’elle impose : l’une danse sans musique pendant que l’autre lit l’encyclopédie, les tâches sont pénibles, harassantes, les repas sont fades. A rebours du « post-apo sensation, c’est un post-apo du quotidien qui nous est offert, et c’est bien plus puissant à mon avis. Je trouve que dans l’ensemble, l’écriture porte bien cette douceur triste, la plupart du temps sans en faire trop, avec quelques moments de bravoure (la scène de chasse aux sangliers par exemple).
Ensuite, je trouve le propos de fond plutôt intéressant : le livre nous montre une acceptation progressive de l’abandon de la société, une sorte de reconquête de notre animalité, symbolisée par la forêt, personnage à part entière du livre. D'abord effrayante, gardée à distance par le cercle de tulipes plantée par la mère d'Eva et Nellie, hantant les cauchemars de cette dernière, elle va progressivement dévoiler son vrai visage aux personnages et se laisser apprivoiser. Ce n’est pas une pente douce et linéaire, mais bien une trajectoire en soubresauts : Les personnages tentent à plusieurs reprises de reprendre en main leur vie, de refaire société, à la manière d’un Robinson Crusoë, puis échouent et franchissent une nouveau seuil vers le monde sauvage.
Les parents disparaissent (la scène de la mort du père est d’une intensité folle), puis les contacts avec l’extérieur, puis l’électricité, la virginité, les tabous ultimes, la maison enfin. C’est la souche de l’enfance, âge de l’impudeur et de l’instinct, qui devient la demeure d’adultes d’un genre nouveau.
J’y trouverais néanmoins quelques défauts qui m’ont un peu dérangé, pour la plupart concentrés dans le dernier tiers.
La fameuse scène d’inceste pourrait avoir du sens, dans la mesure où c’est un tabou important qui tombe ici, donc potentiellement un pan entier de la « société d’avant ». Le problème, c’est que cette scène surgit un peu comme un cheveu sur la soupe ; cela aurait été intéressant de voir cette attirance naitre petit à petit, pour mettre le lecteur/la lectrice mal à l’aise, le lui faire accepter et comprendre presque contre son gré. Là, ça sort quand même de nulle part, et ça disparait presque comme c’est venu, en 3 pages, un genre d’hapax en fait. Ca fait plus choc qu’autre chose.
Je trouve aussi que certains passages vont un peu trop loin dans la mièvrerie, que ce soit dans le style d’écriture ou dans les réflexions sur le monde. On tombe parfois dans une pensée un peu New Age qui ne me parle pas du tout, je l’avoue (on se soigne avec l’amour et les plantes, on peut avoir une montée de lait par compassion, etc…).
Je ne comprends pas trop ce qu’apporte la naissance du bébé d’ailleurs, à part nous montrer qu’un accouchement loin des hopitaux et dans une souche vermoulue, c’est bien plus « fort » (-_-).
Mais encore une fois, dans l’ensemble, c’était une apocalypse assez stimulante et rafraichissante, et j’en recommanderais tout de même la lecture à ceux et celles qui sont, comme moi, des citadin.es stressé.es en manque d’évasion.
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Créée
le 21 juin 2024
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