"Dans la forêt de Hokkaido" est un de ses romans qui marque, d'une part pour son sujet, d'autre part pour son style. Ce n'est pas le genre de roman d'épouvante ( oui, il est classé comme tel) qui relatent de sordides histoires sanglantes ou morbides. C'est le récit glaçant d'un enfant perdu, qui se croit abandonné - l'est-il? Et d'une jeune femme française, qui est l'unique témoin de son malheur.


Julie est une jeune femme qui possède certains dons et ce jour-là elle rêve qu'elle est un petit garçon japonais, qu'on a abandonné sur le bord d'une route, sur l'île de Hokkaido. Dès lors, une sorte de cohabitation les lie entre le sommeil de Julie et l'éveil du petit garçon, telle une sorte d'empathie physique. Parfois, elle prend le contrôle du petit corps, parfois elle tente de le rassurer et essais surtout de rester forte pour lui porter le plus d'assistance possible. Mais de son côté, elle faiblie et plus les jours angoissants passent, plus Julie doute de parvenir à le sauver d'une mort prématurée.


Un roman jeunesse qui pose des questions sur les erreurs, la conscience, l'empathie, l’instinct de sauvegarde, l'abandon, le sentiment d'impuissance, la résilience et une certaine forme de pouvoir psychique. Un roman très intéressant et dont le rythme haletant me l'a fait dévorer en peu de temps. J'ai particulièrement aimé les questions qu'il sous-tend, ainsi que les réalités qu'il présente.


D'une part, nous avons un visuel sur les migrants, ces gens qui, pour des raisons extrêmement variées, quittent leur pays pour trouver asile ailleurs. Un drame, un déracinement, une lutte pour survivre, même , quelque fois. J'ai aimé qu'on en parle ici, comme une sorte d'écho à ce petit garçon perdu.


D'autre part, j'ai aimé cette idée de gardiens à travers les rêves. C'est un si belle idée que celle du potentiel des gens à veiller les uns sur les autres à leur moments les plus difficiles, où ils sont les plus vulnérables. C'est très touchant.


Enfin, j'ai apprécié le thème de l"erreur", où parfois, on commet des actes qu'on regrettera amèrement. Loin d'excuser certains comportements, je trouve néanmoins important ce que le personnage de Julie souligne: qui sommes-nous pour juger? Certains d'entre nous ont le chic de faire des critiques virulentes, voir incendiaires, sur ses gens qui commettent des impairs, spécialement sur les réseaux sociaux, déchargeant au passage des sentiments colériques démesurés. C'est facile, derrière un écran et un pseudo, de se faire juge des erreurs des autres, en faisant fit du fait qu'on commet tous des erreurs, mais en quoi en avons réellement le droit et dans quelle mesure cela sera-il pertinent? Ne gagnerions-nous pas , au contraire, à se montrer compréhensifs ou à tout le moins réceptifs? Connaissons nous tous les détails avant de lancer des piques aux fautifs? Rabaisser les autres nous mènera-il à trouver des solutions?


Comme vous le voyez, ce roman aura fait naitre toute sorte interrogations et constats suite à sa lecture et je lui en sied gré, car il est important, surtout en jeunesse, de favoriser une certaine réflexion. Et ce n'est pas une lecture très compliquée, car elle est épurée, les descriptions des émotions et du ressenti vives, et il n'y a même pas de chapitres. Et que dire de cette superbe couverture?


Ce roman est aussi la preuve qu'un récit d'épouvante peu exploiter d'autres formes de terreur, comme la violence du rejet, la terreur d'être seul, les choses inexplicables ( et qui le resteront) et , enfin, d'avoir commit un acte irréparable pour une fraction de seconde d'écart de conduite. Stephen King aussi était capable de faire des histoires terrifiantes juste en exploitant le potentiel humain de faire du mal aux autres, comme c'est le cas ici. Cependant, ce roman met aussi l'accent sur le potentiel humain de sauver les autres, comme une contre-manoeuvre. L'humain dans ses plus grandes contradictions, n'est-ce pas?
Glaçant, comme je l'ai dit, mais néanmoins très humain. Un roman jeunesse qui sort des conventions, merci à son auteur.

Shaynning

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