Tout est politique
Pourquoi doit-on lire de la science-fiction? Ariel Kyrou répond à cette question en analysant le monde dystopique dans lequel on vit aujourd'hui. Il démontre que les imaginaires permettent à l'être...
le 4 avr. 2024
Pourquoi doit-on lire de la science-fiction? Ariel Kyrou répond à cette question en analysant le monde dystopique dans lequel on vit aujourd'hui. Il démontre que les imaginaires permettent à l'être humain de se divertir, mais surtout de penser à d'autres alternatives que le monde que veulent nous imposer les libertariens de la Sillicon Valley et leurs alliés politiques. A contrario, il montre la dangerosité de certaines oeuvres qui développent un discours nauséeux et justement défendu par ces derniers.
Il y a des alternatives quoiqu'en pense la Bête immonde et elle se trouvent dans de nombreuses oeuvres que décrypte avec simplicité Ariel Kyrou. On peut être d'accord ou pas avec son analyse, il n'en demeure pas moins qu'il écrit avec brio.
En effet, les imaginaires ont une influence sur nos modes de pensée. Ils créent en nous des émotions négatives ou positives. Pour Ariel Kyrou, les imaginaires sont des flux qui se croisent et se décroisent. Ils forment des tendances qui se contredisent, s'annihilent ou se complètent. Les "imaginaires du futur" mettent en lumière certaines visons du monde qu'elles soient celles des Gafam ou des Anonymous. Ils ont une influence sur nous dans notre perception du monde, des gens... Aussi, on peut dire que l'imaginaire est politique; même pour des oeuvres qui en semblent éloignées. Ainsi, le capitaine dans Wall-E qui affirme qu'il "ne veut pas survivre, mais vivre".
Les imaginaires du futur montrent des possibles scientifiques, technologiques mais également humains. La science-fiction n'est pas uniquement un divertissement, elle permet au lecteur, spectateur ou joueur de se faire une idée des futur que l'on nous propose; à l'heure où la dystopie est prédominante. La science-fiction nous habitue ainsi à des visions dystopiques de notre futur: crise écologique, raréfaction des ressources, pénuries... Mais d'ailleurs ne sommes-nous pas déjà en pleine dystopie?
Les imaginaires, qu'ils soient livresques, cinématographiques ou ludiques jouent un rôle dans le monde actuel dans la propagation des idées. Ainsi, les théories du complot se nourrissent de certaines oeuvres qui mettent en exergue l'idée d'un gouvernement caché. Il en est ainsi de X Files, série de référence s'il en est.
Autre exemple, l'idée de l'effondrement a été mise par écrit par d'innombrables auteurs, dont certains au relent pétainiste comme Ravage de Barjavel. On ne compte plus les oeuvres post-apocalyptiques censées montrées la vie et surtout la survie après l'effondrement de la civilisation humaine. Ainsi, la scène finale de La planète des Singes est devenue un cliché dans la conscience populaire. La vision de la Statue de la Liberté mise à bas est devenue l'archétype de l'effondrement. Et tout récemment, cette même statue n'est-elle pas utilisée dans l'affiche du film Civil War avec des snipers installés à son sommet? La fiction ne rejoint-elle pas le réel et inversement?
Les imaginaires du futur ont une influence sur notre vision justement de ce futur. Mais, surtout, ils nous permettent de nous décentrer, d'imaginer d'autre possible des tenants du slogan de l'abominable Thatcher: "There is no alternative", en premier lieu l'abomination qui gouverne la France. .Ce slogan signifie que le marché, le capitalisme et la mondialisation sont des phénomènes nécessaires et bénéfiques et que tout régime qui prend une autre voie court à l'échec.
Or, les imaginaires nous permettent de rêver, de mettre en lumière d'autres modèles plus inspirants. Leur fonction est de nous proposer ainsi des alternatives à ce que l'on nous proposent comme avenir. Ils nous permettent d'espérer à des mondes meilleurs, loin de celui imaginé par Aldous Huxley.
Il est vrai que nous sommes abreuvés d'images prônant les "valeurs" néo-libérales, impérialistes et militaristes venant des Etats-Unis. Le film "Starship troopers" peut être vu au au premier degré comme une idéalisation de la Pax Americana. Quant à Batman ou autre Iron Man, ils ne sont que les parangons d'un système capitaliste prônant des valeurs anti-démocratiques qui s'acharne sur des "méchants" qu'il a fait naître. Et dans la réalité, ce système est symbolisé par ultra riches libertariens et virilistes comme Elon Musk et Mark Zuckerberg. On ne sait plus désormais si on naît dans la réalité ou dans un monde à la Matrix. Qui est le véritable "méchant" de l'histoire entre un milliardaire qui se fait justice lui-même et un Joker aux convictions sociales?
(Lire Le Syndrome Magneto de Bolchegeek).
En fin de compte, les imaginaires du futur sont multiples. Ils sont ni bons, ni mauvais. On peut ainsi préféré ou pas la fin des films montrant des super-héros sauvant le monde comme Armageddon à des films plus intimistes et poétiques. Quoiqu'il en soit les imaginaires nous influencent. Nous sommes abreuvés jusqu'à plus soif de films de super-héros prônant des valeurs fascistes comme l'a dit dit lui-même Alan Moore. Les imaginaires sexistes, racistes et libéraux sont tellement ancrés dans l'inconscient collectif que certains sont allés jusqu'à croire que le film Avatar prônait l'extermination des peuples premiers. Mais peut-être est-ce le véritable message du film?
Les imaginaires du futur sont peut-être là pour nous montrer que "la vérité est ailleurs". Nombre d'oeuvres nous montrent que la guerre n'est pas perdu contre l'hydre capitaliste. Il y a d'autres modèles. La science-fiction nous permet de faire un pas de côté, de garder espoir. Elle parle autant du présent que du futur. Elle est à l'image de l'époque où les oeuvres sont écrites. Les Chroniques martiennes font penser immanquablement aux Etats-Unis des années 50 et à des tableaux à la Hopper. Il n'en reste pas moins que c'est un chef d'oeuvre de poésie et de mélancolie.
On n'attend pas de la science-fiction qu'elle nous prédise l'avenir. En fait, on attend qu'elle crée du sens. Elle influence notre humeur, nos émotions. Elle nous permet de croire "que les dragons peuvent être vaincus", Neil Gaiman.
Un ouvrage de référence.
Créée
le 4 avr. 2024
Modifiée
le 12 avr. 2024
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