Databiographie
6.6
Databiographie

livre de Charly Delwart (2019)

Le livre de Charly Delwart prend à rebours quelques codes de l’autobiographie : structuré thématiquement (« Vie intérieure », « Famille », « Écriture », etc.), il propose dans chaque chapitre des « datavisualisations » (1), assorties de commentaires plus ou moins liés qui constituent la partie textuelle de Databiographie (par exemple «"Nommer un comportement permet de mieux se comprendre, et de gagner du temps », p. 171). Autrement dit, si le livre enfreint la convention exigeant d’une autobiographie littéraire qu’elle soit exclusivement textuelle, il respecte celle, plus moderne, selon laquelle on peut écrire une autobiographie par fragments (2).
Du coup, s’il y a bien quelque chose d’original dans Databiographie, il me paraît exagéré de parler d’« ovni » ou de définir l’auteur comme « un grand malade », ainsi que le font certaines critiques en ligne sur un site internet de lecture participatif (3). Les infographies qui ponctuent le livre, certes bien réalisées et parfois drôles, sont loin d’emmener le lecteur dans un labyrinthe. Ce n’est peut-être pas leur but, mais je pense qu’on pouvait davantage exploiter la dimension visuelle de l’ensemble, voire l’interroger, par exemple en les soumettant au traitement qu’un certain nombre d’auteurs contemporains font subir à la fiction.
Du reste, tout sympathique qu’il soit, le livre n’interroge pas non plus la notion de data. Dommage, en 2019. Peut-être écrira-t-on un jour une (auto)biographie exclusivement constituée d’extraits de dossiers administratifs, professionnels ou commerciaux – il ne faut pas la chercher du côté de Databiographie.
Quant au texte, comme souvent dans les écritures fragmentaires, le pas mal trouvé y alterne avec le très convenu. J’aime bien ceci : « Je pense qu’il y a une acné du cerveau (certaines choses ne sont pas vraies et pourtant elles font sens). […] Une période qui laisse des traces chez certains à l’intérieur comme cela en laisse sur la peau pour d’autres » (p. 157). J’aime moins d’autres passages.
Là où Charly Delwart est le plus convaincant, c’est quand il écrit, directement ou non, sur ce qu’il écrit : « Et si la psychanalyse m’a sauvé, j’ai dû aussi à un moment m’en sauver, me sortir du travail mental épuisant où tout (chaque pensée, réaction, impulsion) devenait sursignifiant » (p. 58), par exemple, ou « Je me repose récemment des questions que je me posais adolescent, de l’ordre des premières questions existentielles. Je me demande si on reste toute sa vie avec les mêmes questions malgré soi, ou si on se les repose pour y répondre enfin » (p. 262). Ce n’est certes pas du Jules Renard, mais au moins ce n’est pas de l’Arthur Dreyfus.


(1) C’est-à-dire différentes formes de graphiques. Tapez databiographie dans la rubrique « Images » d’un moteur de recherche pour voir ce que ça donne concrètement.
(2) Voir par exemple, à partir du Je me souviens de Perec, Autoportrait d’Édouard Levé ou Année vingt-quatre de Patrik Ourednik.
(3) Mon premier est le contraire de haut. Mon deuxième est le cri du mouton. Mon troisième a chanté « Le Banana split ».

Alcofribas
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le 12 janv. 2020

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