Cécile Chabaud ressuscite sous nos yeux la première femme médecin, dans l’armée, durant la grande guerre. Nicole Girard Mangin consacra son combat à lutter contre la maladie et les ravages du conflit. Il était temps de faire connaître et reconnaître son travail, ses influences dans le développement de l’hygiène et de la médecine préventive puisqu’elle eut l’initiative des premiers préventoriums qui permettront, entre autres, avec le vaccin, d’éradiquer la tuberculose.
Nicole Girard-Mangin après quatre ans de mariage et un fils décide de reprendre ses études de médecine et part sur les traces d’une Marie Curie. Devenue médecin avec ses Poisons cancéreux, elle est la seconde femme à avoir une chair à la Sorbonne. Développant grâce à des levées de fonds, une prise en charge de la tuberculose, elle enseigne à l’Union des Femmes de France pour former des infirmières. Elle crée la fonction d’infirmières visiteuses puis celle du premier médecin lieutenant, femme, dans l’armée, cofondatrice, aussi, de la ligue anticancéreuse internationale et bien évidemment militante sociale.
Portrait inoubliable
Résolument féministe, la présentation de Cécile Chabaud est volontairement combative et élogieuse du chemin parcouru. Le lecteur mesure dans le récit de Nicole, l’écart entre les mondaines jouant à la charité et ses choix éclairés du médecin renommé qu’elle fût. En alternant le récit de sa vie et ses réflexions en ce mois de juin 1919, la femme, qui fend son armure sociale en se racontant, révèle ses tensions, ses interrogations et sa solitude. Car, sa solitude sur tous les plans, sorte de sacerdoce volontaire accepté, l’a rendu extrêmement vulnérable malgré la témérité dont elle fait preuve pour rester à la place, où on ne veut jamais la voir.
En même temps, Cécile Chabaud nous livre sa propre vision du féminisme. « Loin de brailler à tout va que je n’étais pas d’accord, comme tant d’autres le font sans jamais rien construire, j’ai agi. Je peux m’endormir avec la satisfaction de la tâche accomplie. » C’est ainsi une façon de transmettre un flambeau aux jeunes générations, pour qu’elles, à l’image de la jeune médecin, transpercent les plafonds de verre qui résistent encore.
Néanmoins, l’humanisme de Nicole transparaît à chaque situation. Cécile Chabaud l’a rendue empathique à autrui, que ce soit avec les enfants souffrant de tuberculose qu’envers les poilus, sur leurs lits d’hôpital. Les exemples sont nombreux dans De femme et d’acier où la médecin est attentive à la douleur, au désarroi et à la peur de la maladie et même de la mort. La bataille de Verdun, du côté d’un hôpital de fortune, est criante de cette vérité.
En bref,
En dédicaçant De femme et d’acier aux infirmières qui ont soigné aux périls de leurs vies les plus blessés des poilus, Cécile Chabaud démontre sa bienveillance, innée et acquis, à travers ses plus de vingt ans comme professeur de français dans un collège.
Dans Rachilde, homme de lettres, son premier roman, elle avait déjà abordé le portrait d’une femme hors du commun, au XIXè siècle, obligée de se travestir pour assumer sa passion. Ici, Nicole Girard-Mangin, sous les mots de l’écrivaine, montre qu’il faut s’appuyer sur une volonté de fer pour pouvoir dépasser les murs dressés devant soi.
Approcher au plus juste la personnalité de cette femme d’engagement, est le pari réussi de Cécile Chabaud. Il sera difficile de l’oublier, tant elle reste présente dans l’esprit bien après le livre refermé !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/09/03/c-chabaud-de-femme-et-dacier/