Décadence de la Russie post-soviétique
"De l'Avenir faisons table rase" est un roman à la première personne qui suit les (fort nombreux) problèmes de Max Borodine, un "entrepreneur" spécialisé dans le crédit usurier et la fabrication de faux administratifs, dans la Russie eltsinienne.
Autour du héros gravitent une galerie de personnages "à la Russe", emportés, inconséquents, et à la fois idéalistes et très cyniques. L'environnement de la Moscou eltsinienne est montré comme gangréné par la violence urbaine, la corruption, le chômage et la passivité.
Comme dans "Journal de nuit", c'est la faillite de l'état de droit qui intéresse Womack. Notre héros, qui apparaît plutôt au départ comme un brave type qui fait de son mieux, a donc maille à partir avec les soupçons de sa femme au sujet de sa maîtresse, un associé très encombrant spécialiste des coups tordus, un frère spécialiste des projets irréalistes, une bande de Russes nationalistes à tendance sado-maso, des fonctionnaires incapables, un funérarium qui n'accorde que des cérémonies de 10 minutes, et surtout une bande de mafieux géorgiens. Sans vouloir complètement déflorer l'intrigue, le personnage suit une évolution assez similaire à celle du shérif de "1275 âmes", de Jim Thompson.
Le livre est assez prenant, et fondé sur une connaissance fouillée de la Russie (autant que je puisse m'en rendre compte). L'écriture, derrière une violence morale aigüe, est très littéraire, et il y a beaucoup de bonnes idées, de motifs habilement amenés. Cela dit j'ai refermé le livre en me demandant ce qui avait séduit l'auteur dans ce sujet. L'impression qui m'en reste est que Womack voulait se perdre un peu dans le décor russe, plutôt que livrer une histoire foncièrement originale. Alors bien sûr, c'est déjanté, c'est prenant, et tout. Mais la violence est un peu convenue, et le propos n'a pas la même ampleur que "Journal de nuit".
