L’auteure commence par se justifier, comme si on pouvait lui reprocher l’agression russe, l’invasion et la guerre en Ukraine ! Les immigrés quittent leur pays parce que justement il est invivable, que ce soit pour des raisons économiques, politiques ou environnementale, mais la xénophobie ne s’embarrasse pas de réfléchir avant d’insulter. Filippova raconte un peu la vie dans l’empire désintégré dans les années 90, avant leur départ ; elle parle de la dissidence, de ses liens avec la Russie qu’elle aime et qu’elle déteste, comment elle s’en est détachée puis a réussi à surmonter le traumatisme de sa double-appartenance. Elle a reçu une éducation élitiste dès son plus jeune âge. A Moscou, elle allait dans une « école à cursus renforcé en maths, où [elle était] rentrée sur concours avec un an d’avance ». En Lorraine, elle compare une maîtresse de primaire désagréable à un personnage du Revizor, pièce satirique de Gogol « qu’[elle venait] d’achever ». On serait pantois devant un élève de primaire lisant une pièce de Molière ! Ses parents l’obligent à faire des heures de piano, l’accompagnent à des concours, à une master class à Courchevel, pendant laquelle elle lit Guerre et Paix : « j’avais alors douze ans ». C’est très précoce pour lire Tolstoï ! ce qui est amusant, c’est qu’elle lit tout en jouant du piano : « mes mains jouaient, et moi je lisais ». On peut se demander si son jeu n’était pas un peu mécanique. Cette enfant surdouée a suivi le parcours conventionnel de l’élite française : concours général, hypokhâgne, études brillantes, etc. Ce qui manque dans son livre, c’est que les émotions et sentiments soient si muselés. Elle ne raconte pas ses ami.e.s à l’école primaire. Elle subit des injustices, mais a-t-elle été émue par des injustices subies par d’autres enfants ? Elle adore ses parents, mais ne raconte aucune anecdote chaleureuse avec eux, sauf lorsque son père lui invente une histoire de SF. Le livre est intéressant, mais reste très intellectuel et, à mon goût, manque de chaleur. Certes, c’est un essai, mais autobiographique ; on n’y retrouve rien de la tendresse de Begag ni de la vivacité de Cavanna. C’est ennuyeux.

Nounours30
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le 2 oct. 2024

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