La liberté n'a de borne que celle d'autrui

[La critique ci-dessous reflète mon point de vue au moment où je l'ai écrite.]


La liberté n'a de borne que celle d'autrui. — Nullement mentionné tel quel dans le court essai de John Stuart Mill, ce proverbe le résume néanmoins parfaitement. C'est au fond ce principe que le philosophe anglais tente d'analyser en détail, son sens, ses implications et ses applications... J'ai longuement hésité à mettre 10/10, mais il y aurait des choses à redire sur de nombreux passages (généralement des points de détails, pas des principes généraux) son souci de modération le rend parfois incohérent, et puis certains éléments sont devenus des lieux communs de nos jours. Toutefois, il faut reconnaître la justesse du message général, à savoir la liberté individuelle comme centre de la politique, y compris face à la majorité, qui de toute façon a toujours quelque chose à gagner à la diversité. Mill s'efforce de soupeser, avec une bonne volonté qui se ressent, chaque argument. Le tout dans un langage on ne peut plus clair, moderne et sans verbiage, avec régulièrement un sens de la formule qui fait mouche.


D'abord, il consacre le plus long chapitre à la liberté d'expression, où il présente une argumentation des plus convaincantes. Je ne connais d'ailleurs pas de meilleur texte sur le sujet, c'est une véritable leçon d'honnêteté intellectuelle. Mill rappelle par exemple qu'on ne saurait s'opposer à une opinion sans bien connaître les arguments en sa faveur.
Ensuite, on passe à un chapitre sur l'importance de l'individualité, où Mill prend subitement un ton un peu plus lyrique, mais toujours aussi pertinent.
Puis, il rappelle (il en avait déjà parlé dans l'introduction) le danger que représente la tyrannie de la majorité (concept emprunté à Tocqueville) ou la tyrannie de l'opinion, et pas seulement en s'appuyant sur des concepts abstraits, mais du point de vue du résultat pratique (l'auteur est un utilitariste). Enfin, Mill cherche à illustrer avec des exemples les applications des principes généraux qu'il a exposé, et là encore il y a de quoi puiser pour aujourd'hui des réflexions pertinentes. (Les excès de bureaucratie par exemple...)


Il ne s'agit pas véritablement d'une bible contenant l'alpha et l'oméga de la politique, mais de très nombreux passages faisant frôler l'essai du chef-d'œuvre méritent vraiment d'être lus, et sont une nourriture excellente pour l'esprit. Court et facile à lire, je conseille ce classique en particulier pour toute personne qui veut s'introduire à la philosophie politique.

gio
9
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le 31 mars 2014

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gio

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