Tu vois, le principal problème dans les années 60, c'est qu'on s'ennuyait sévère. Et le capitalisme aussi.
Ainsi que la société du du spectacle d'après notre copain GuiGui, il nous en avait parlé vite fait en aphorismes.
On a pas tout compris mais on a acquiescé, parce qu'il avait l'air d'avoir raison.
Pendant un après midi, alors qu'on s'emmerdait à repousser les limites du cinéma, GuiGui a eu une idée:
"Wesh les gaillards, venez on va poutrer le grand Capital !"
Là y a notre copain Issou qui s'est énervé:
"Mais gars, ça t'intéresse pas de faire du ciné révolutionnaire? Vient pas dans l'internationale alors !"
"Mec détend toi, si tu veux que les gens aiment le ciné révolutionnaire, faut révolutionner la société !"
"Tu sais quoi ? Tu me brise l'hypophyse en deux ! T'es aussi chiant qu'un glaçon dans le slip !" gueula Issou.
GuiGui était véner : "Ah ouai ? Si c'est comme ça je me taille !"
Nous on était choqué, tu vois. Ça se fait pas ce qu'il a fait Issou. Du coup on a rejoint GuiGui pour former une nouvelle internationale. On s'est retrouvés au Zozan Kebab et on a commandé des sandwichs.
On étaient en train de ramollir nos bouchées de frite avec du coca, lorsque t'a GuiGui qui a commencé à expliquer son plan :
"Vous voyez la société capitaliste, c'est vraiment nul, on est aliéné par la marchandise et le travail : on voue un culte hégémonique à ce qui nous asservi."
On a acquiescé. Il continua :
"Cette société est aliénante et emprisonne les individus dans la consommation comme une cage dorée. Il faut libéré l'individu du travail en le rendant conscient."
"Mais du coups, on fait comment ? " dit notre pote Mustapha.
"En leurs donnant des armes pour lutter contre le système."
"Genre des Kalashs ?"
"Nan, nan. Des armes intellectuelles du style une critique radicale, une idéologie qui n'est pas une idéologie afin de ne jamais devenir un dogme."
"Ah ouai... Mais du coups, on va parler à qui d'abord ?"
"Parlons à des gens qui peuvent être conscient des rapports de domination : les étudiants."
Du coups on s'est préparé, on s'est fait beau gosse et on va à la Sorbonne. On a commence à parler aux élèves mais on a vite comprit que ça servait à rien: ils bittent rien quand on leurs dit qu'ils vivent dans un monde d'images et de représentations, y en avait même qui connaissait pas Carl Barcks.
Du coup t'a GuiGui qui a le seum et nous aussi. On s'attendait à trouver des révolutionnaires en devenir, mais on se retrouve avec des tête d'ampoule incapable d'éclairer plus loin que leurs pieds.
Après ça on rentre chez nous et t'a Mustapha qui gueule :
"Eh vas y ! Si c'est comme ça, je vais écrire un pamphlet pour les défoncer, qui est chaud ?"
On a tous validé, GuiGui a proposé qu'on s'appelle les situationnistes, vu qu'on étaient les hommes de la situation. T'a René qui a proposé qu'on appelle le texte De la misère en milieu étudiante en mode étude philosophique.
On a gratté comme des chacals pendant toute la nuit et on a fini par pondre un texte de 28 pages où on a tapé sur tout ! Les organisations étudiantes ultra bureaucratiques incapable de mener les luttes, les syndicats inutiles par leurs inactions, l'inculture crasse des normalbinocleux et des sorboniqueurs, les travaux risible de Bourderon et Passedieu incapable de voir le problème du capitalisme et la fabrique à petits chefs que l'on nomme "université".
On retourne voir ces culs terreux d'étudiant et on leurs balance notre texte à la gueule pour une prise de conscience radicale.
On a commencé à mobiliser du monde comme ça, et là...
Le grand soir est arrivé en un doux mois de mai...
Puis tout le monde est redevenu aliéné comme avant.