Partir, mais pour où, pour fuir ou pour se retrouver et de quoi veut-on se séparer ! C’est ce que raconte au cours de son roman, Gaëlle Josse dans De nos blessures un royaume. Le lecteur le découvre petit à petit dans ce road-trip solitaire qui entraîne la narratrice vers l’Italie, puis la Croatie. Elle emporte un livre important mais peu volumineux, et le déposera dans un lieu dédié. « Chacun peut y apporter un objet, une photo, un texte qui dit quelque chose d’une relation rompue, perdue, et c’est la somme de ces contributions qui constitue le musée« . Ce vrai voyage devient au fil des pages une introspection où le monde autour se relie par instants pour abreuver sa conscience.
Évidemment entre la vie et le livre, la similitude se dévoile petit à petit autour de ces enfants différents, qui témoignent par l’affection qu’on leur apporte une vraie envie de la vie.
« Je commençais à t’écrire ces lettres, mon Emma, des lettres que jamais tu ne liras ni n’entendras mais qu’il m’était désormais essentiel de déposer sur ces pages. » Fruit de lectures à l’être aimé trop vite disparu, Gaëlle Josse ponctue le récit de ces moments partagés entre un père et sa fille différente.
Au fil du voyage, des rencontres intenses et inoubliables, notamment un tableau, et plus particulièrement un détail que l’œil le découvrant bouleverse toute la signification de la création. Comme celle du peintre Caravage avec le tableau La corbeille de fruits, unique nature morte attribuée au peintre italien exposé à la Pinacothèque Ambrosienne de Milan.
Gaëlle Josse a cette sensibilité que son écriture présente du talent à transcrire. Intuitive et travailleuse comme son héroïne, elle tisse, au fil des livres, une œuvre féministe et tendre de personnages féminins aux engagements solides qui ont la force de traverser leurs douleurs pour se réinventer encore plus courageuse et déterminée. J’ai cru que celui-ci serait différent, comme une baisse d’intérêt presque acceptée. Mais, pas du tout, c’était ma disponibilité qui n’était pas, au début, au rendez-vous.
Quel somptueux respect que de parler de différences sans en souligner le manque ou le handicap ! Et, au contraire, d’en révéler la parfaite richesse ! Et quelle tendresse d’évoquer le deuil sans pointer les larmes et la tristesse dans « ce mille-feuille mémoriel » et ce huis clos lors des transports routiers.
« Alors peut-être le miracle est-il encore possible. Comme dans nos vies, lorsqu’à terre, nous cherchons encore appui pour nous relever, malgré tout. »
Encore une fois, Gaëlle Josse insuffle sa force de vie pour nous aider à croire que tout n’est pas fini, et que nous pourrons encore nous relever ! Tellement magnifique message d’espoir ! Même si elle s’interroge : « Que faut-il symboliquement déposer, abandonner, pour poursuivre la route, sans rien oublier de ce qui a été ? «
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2025/02/24/gaelle-josse-de-nos-blessures-un-royaume/