Dumas a laissé une tripotée de récits de voyages, mais celui-ci est franchement réjouissant. Il respire à grands poumons la spontanéité ; il vous fait respirer à grande bouffée le romanesque.
Contradictoire, un peu ; magie de Dumas, beaucoup !
Le Dumas de ce voyage est dans la force de l'âge en 1846, et il est accompagné ! Pour ce voyage qui aboutira à Tunis (la partie Tangier à Tunis est racontée dans Le Véloce), la troupe compte le discret, humble mais efficace Maquet ; le Dumas fils pétulant ; le fin et littéraire Boulanger : et les deux comparses peintres trublions Desbarolles et Giraud, déjà sur place en Espagne depuis trois mois. Avec l'intendance très aléatoire du valet de Dumas.
Bref, on a donc une belle galerie de personnages, bien vivants, bien râleurs, bien français. Et qui s'anime !
Par le passé (en tout cas de son voyage en Suisse que j'ai lu), Dumas nous ramenait des impressions certes, mais surtout des histoires et des Histoires, en nous détaillant avec son don toutes les légendes et contexte historique de chaque parcelle où il avait mis le soulier.
Ici, la proportion s'inverse. Le récit est composé de lettres de quelques pages qu'il envoie à dame de sa connaissance (à but de publication) très fréquemment. Pour cela (ou non), il s'agit donc bien plus d'un récit, de tribulations, de pérégrinations de la ribambelle de parisiens, la colonie comme Dumas la surnomme.
De Paris à Cadix, on aura donc les aventures de toute la bande, avec retournements et anecdotes ; on sourit, on rigole, on empathe. Et tout tourne autour de Dumas qui se met toujours en scène très Dumas : Dumas a les honneurs, Dumas contrôle la cuisine des hôtes etc. ça fait sourire, car cela colle très bien à notre bonhomme. Les clous étant l'attaque de voleurs en plein grand chemin et l'affaire judiciaire dans laquelle la bande est prise à Grenade.
Mais on voyage aussi ! Un sens toujours aisé de la formule impressionnante nous dépeint des couleurs chaudes de la sierra, les caractères des cochers, l’ébullition de la capitale pour les courses de taureaux, les journées de chasses dans le maquis espagnol, les danses espagnoles en spectacle privé, les rues pavées de Séville, la Tolède crépusculaire, la Grenade et ses monuments enivrants dans un petit nuage euphorique et des caetera.
Bref, à lire !