La sombre prédiction de Stephen King

Il existe des œuvres qui avec le temps se révèlent visionnaires. C'est le cas de Dead zone.

Sorti le 30 août 1979, le roman raconte l'histoire de John Smith, homme ordinaire qui se réveille d'un long coma, doté du don de voir l'avenir ou le passé d'une personne par un simple contact physique avec elle ou un objet lié à elle. Dans le même temps, Johnny découvre que sa vie est brisée : sa mère est mourante, il doit une dette astronomique à l'hôpital, et sa petite amie a épousé un autre homme.

Bénéfique pour le monde extérieur, le don de Johnny sera à l'inverse une véritable malédiction pour lui, suscitant une curiosité malsaine et une certaine hostilité d'une grande partie de la société, le condamnant à une vie de solitude.

Au fil des 375 pages, on suit l'évolution du personnage, de la soirée précédant son accident à l'apparition de son don, lequel entraînera quêtes et conséquences : intérêt de la presse, histoire d'amour brisée, aide à l'enquête pour arrêter l'étrangleur de Castle Rock, travail de tuteur privé auprès d'un jeune en difficulté, vision de l'incendie où doit se dérouler une fête étudiante, jusqu'à l'affrontement final avec Greg Stillson, homme politique dangereux aux ambitions sans limites.

Et c'est bien là que Dead Zone frappe fort, en nous offrant la prédiction d'un homme politique diabolique, pour l'Amérique et pour le monde. Si Stillson fut inspiré du candidat Huey Long (très influent durant les 20's-30's), il est aujourd'hui devenu une réalité. Une réalité nommée : DONALD TRUMP !

Méthodes brutales, passé d'escroc dans l'immobilier, alliés douteux, discours populistes, slogan de campagne quasi-identique (America First vs America Now), une foule amusée qui boit ses paroles, aussi absurdes et extrêmes soient-elles... tout fait écho à Donald Trump. Sauf que la réalité a aujourd'hui largement dépassé la fiction. L'avenir nous dira jusqu'à quel point...

Ayant eu une vision apocalyptique en serrant la main de Greg Stillson, Johnny se retrouve confronté à un dilemme : jusqu'où peut-il aller pour empêcher cette vision de s'accomplir ? Une interrogation illustrée par celle-ci : " si vous pouviez revenir en 1933 en sachant ce qu'Hitler va accomplir, le tueriez-vous ou lui laisseriez-vous la vie sauve ? "

Très fort dans sa quête finale, Dead Zone ne l'aborde toutefois que très tardivement, se concentrant auparavant sur d'autres courtes intrigues (enquête de Castle Rock, cours privés auprès de Chad Chasworth, incendie meurtrier dû à la foudre...). Si l'on peut voir l'évolution de Greg Stillson dès le départ, la rencontre entre les 2 personnages est je trouve trop tardive, rendant son arc narratif trop court.

Et c'est peut-être là que Dead Zone pêche légèrement, en offrant un rendu plus proche d'une histoire à épisodes que d'un roman à l'intrigue unique. S'il se lit bien et ne comporte aucune longueur, le livre parvient à garder sa fluidité principalement grâce à la qualité d'écriture de ses personnages et au don de son héros. Au vu de sa force, l'intrigue autour de Greg Stillson aurait mérité d'être davantage approfondie, tout comme l'histoire d'amour entre Johnny et Sarah.

• En conclusion, je qualifierai Dead Zone d'œuvre visionnaire de notre société actuelle, preuve de l'œil perspicace que Stephen King portait déjà sur les États-Unis.

Sur le plan de la fiction, Dead Zone, en diversifiant ses intrigues grâce au don de son héros, avait tout pour devenir une série TV. Ce qu'elle deviendra deux décennies plus tard...