Après voir regardé la série (pfiou, 14 ans déjà) et vu le film, un long moment s'était écoulé avant que je ne me décide à lire l'oeuvre de King. Et comme ma pile à lire contenait plusieurs ouvrages du maître, je me suis laissée tentée.


Je dois bien l'admettre, le Dead Zone de papier fut une bonne surprise. Enfin venant de King, rien d'étonnant.
Quoi que l'auteur aurait put nous faire davantage ressentir les souffrances psychiques de son héros suite à son accident, King parvient néanmoins à nous offrir un personnage plein de remords, plein de peurs et de désir. Un personnage qui, bien que voulant agir pour le mieux et rester discret, vivre une vie normale en faisant le bien par le biais de l'éducation, se retrouve régulièrement sous les feux de la rampe sans en avoir le choix. L'amour, l'adoration tout comme le mépris et la haine, il ne les reçoit pas pour ce qu'il est mais pour l'image que les gens donnent de lui et pour ce que la presse et les préjugés font ressortir comme sentiments dans ce peuple américain si versatile et manipulable que nous présente King.
Bien souvent, les capacités médiumniques sont présentés comme des super pouvoirs, des dons. Stephen King nous montre par le biais de John Smith qu'il peut en être autrement. Certes, il peut sauver des vies, et c'est une grande et belle chose. Mais un "don" comme celui ci ne fait que l'isoler du monde même dans lequel il existe (et qu'il pourrait aider). Lorsque les gens vous regardent comme un phénomène de foire, lorsqu'ils n'osent plus vous toucher (hors quoi de plus normal et humain qu'une main que l'on sert, qu'une bise, qu'une main sur une épaule ou une tape dans le dos ?) et vous craignent pour ce que qu'il pensent que vous pourriez savoir et non pas pour ce que vous êtes... Peut on vraiment parler de don ? Certes, la vie lui a donné ce pouvoir, mais dans le monde dans lequel nous vivons, il s'agirait plutôt d'un fardeau confié par la vie.


Le deuxième point soulevé par King est un regard tout aussi intéressant sur la société. Ne se contentant pas de montrer ce qu'elle peut faire endurer à un individus sur la base de croyance et de ragots, King nous montre aussi ce qu'elle peut se faire à elle même dès lors qu'il s'agit de pouvoir politique et économique cette fois ci.
Les politiciens sont tous mauvais, ils sont tous corrompus ? Changeons ! L'idée ne serait pas mauvaise (loin de là) si le choix était raisonné. Si la foule déçue ne portait pas son dévolu sur un clown, juste parce qu'il est quelqu'un d'autre. Si elle ne fermait pas les yeux sur les sombres desseins dudit clown simplement parce qu'il a des résultat et lui porte un peu d'attention. Si elle ne reportait pas la faute et la responsabilité sur les autres au lieux de se bander les yeux pour un hypothétique profit.
Car comment Stillson se fait il un nom ? En usant de force, de menace, tout en sachant parfaitement que personne ne le dénoncera, chacun étant trop occupé à se dire que c'est à quelqu'un d'autre d'agir.
Comment Stillson garde-t-il son aura auprès du publique ? En menaçant toute personne susceptible de l'entacher.
Comment parvient-il à ses bons résultats ? En renforçant entre autre chose la police au détriment de l'éducation.
Dead zone nous montre ainsi à quel point il est aisé pour un homme ayant peu de scrupule, soif de pouvoir et une ou deux bonnes idées aux airs altruistes (tel que le coup de remplacer les horodateurs par des tirelires, ou de réinsérer les délincants) de prendre le pouvoir sans que quiconque (pas même la presse dont c'est supposé être l'une des tâches) ne cherche plus loin que le bout de son nez.


Enfin, la troisième problématique que pose King tient au fait que seul Johnny sache que Stillson apportera la peine et le désespoir sur terre. Le questionnement sur Hitler met d'ailleurs la chose en exergue. Qui tuerait Hitler dans sa jeunesse ? Pourquoi le faire ou non ? Doit-t-on se soucier des conséquences personnelles lorsque l'on sait le monstre qu'il est devenu ? La réponse peut paraître aisée. Sauver des milliers de personne en tuant leur assassin avant qu'il ne commette son crime...
Je vous renverrai donc à la lecture de Minority Report (le livre hein ! Pas le film !). Et en pour que vous puissiez trouver davantage d'arguments, je vous conseillerai également "le faiseur d'Histoire", de Stephen Fry (ses héros refusant de devenir des assassins en assassinant Hitler font en sorte qu'il ne soit pas né. Pas de crime donc.).


Mais quoi qu'il en soit, c'est au même dilemme que Smith est confronté. Et alors qu'il pense avoir du temps pour agir, il se voit contraint de faire les choses dans l'urgence.
Et à vrai dire, la seule chose à laquelle il n'avait pas pensée est celle à laquelle peu de gens pensent face au problème sur Hitler : retourner les atouts du monstre pour précipiter sa perte et s'en débarrasser.
Dans un thriller à la mode happy end où les gentils gagnent et où tout le monde comprend la vrai nature du méchant, celui ci aurait été trahit par une erreur de jeunesse, un crime découvert par un gentil flic aidé de Smith, et tout deux aurait découverts ses sales magouilles. Mais nous ne sommes pas dans un tel'roman. Et King choisit judicieusement de guider les pas de Johnny avec les seules informations dont n'importe qui peut disposer (de vieilles coupures de presses et des biographies journalistiques) ainsi que son don (lui apportant la fin de l'histoire mais pas son déroulement, ses motivations ou ses rebondissements).


Un bon livre donc, qui, s'il n'est pas le meilleurs de King, laisse à réfléchir sur nous et notre société. Un livre sur le désir d'être normal et sur la nécessité de ne pas faire comme tout le monde...

Gaby_Aisthé
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le 28 févr. 2016

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Gaby Aisthé

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