Retour de lecture sur “Debout les morts”, un roman de Fred Vargas, publié en 1995. Cette romancière française, grande spécialiste du roman policier, a un CV particulièrement impressionnant puisqu’elle est également chercheuse en Histoire médiévale et Archéozoologie au CNRS. Ses livres sont souvent d’énormes succès commerciaux. C’est donc une lecture que j’abordais de manière plutôt sereine, d’autant plus que pour moi, quelqu’un qui a choisi de prendre comme nom de plume, le personnage joué par Ava Gardner dans “La comtesse aux pieds nus”, ne pouvait pas écrire de mauvais livres. Concernant celui-ci, l’histoire commence de manière assez étrange avec l'apparition dans le jardin de la cantatrice Sophia Siméonidis d’un arbre, un hêtre, qu’elle ne connaît pas. Cela perturbe fortement cette femme qui se demande d'où il peut bien venir, qui l’a planté là, devant sa fenêtre ? Son mari ne semble, ni intéressé, ni concerné, par cette apparition. Dans la maison à côté, appelée par ce couple “la maison pourrie”, s'installent trois jeunes types un peu déjantés, Marc un spécialiste du moyen âge, Mathias un spécialiste de la préhistoire et Lucien un spécialiste de la première guerre mondiale, auxquels viendra encore s'ajouter le parrain du premier, Vandoosler, un flic à la retraite qui traîne une réputation douteuse. Tout ce petit monde se liera d’amitié avec leurs deux voisins, donc avec Sophia d’un côté de la maison mais également Suzanne qui habite de l’autre côté. Lorsque la première disparaîtra, ils participeront tous activement à l’enquête. On est donc là dans un univers totalement loufoque et amusant, qui a le mérite d’annoncer une certaine légèreté et de nous proposer autre chose que les habituels tueurs en série avec le climat glauque et souvent gore qui va généralement avec. J’ai eu un peu l’impression d’être dans un Cluedo, avec une intrigue à résoudre et des personnages rigolos qui pourraient aussi bien s’appeler Colonel Moutarde, Madame Pervenche ou Mademoiselle Rose. C’est un peu ennuyeux à lire au début, le temps que le jeu se mette en place, pour ensuite s’accélérer dans la deuxième moitié et devenir plutôt agréable à lire. L’idée de départ est plutôt sympa et les personnages sont plutôt attachants même si leur psychologie et traits de caractères sont vraiment limités au strict minimum et apparaissent comme des caricatures liées à leur profil professionnel (le flic, le militaire, l’homme des cavernes…). L’écriture est très basique, superficielle, et n’est pas toujours très fluide, ni très claire. Le gros souci réside surtout dans l’intrigue, il ne suffit pas d’enchaîner une succession de rebondissements pour en faire une bonne, et même si on est dans un contexte un peu loufoque, celle-ci devrait être un minimum crédible, ce qui n’est pas vraiment le cas. J’ai trouvé ce scénario bien abracadabrant avec pratiquement tous les éléments qui le constituent discutables techniquement. Pour certains éléments clés l'auteur fait même clairement dans la facilité, ceux-ci étant totalement invraisemblables. Pour moi on n’est pas au niveau d’un Pennac, qui écrit bien mieux, fait également dans l’humour en étant encore bien plus loufoque, mais qui reste plus cohérent. Au final, un livre qui reste tout de même agréable à lire, assez léger, dans lequel il faut se laisser embarquer sans trop réfléchir, ni trop analyser pour l’apprécier. Une ambiance plutôt sympa, une histoire originale qui part d’une bonne idée, mais une qualité d’intrigue pour moi beaucoup trop faible pour un polar, et des personnages insuffisamment fouillés. Clairement une déception, un roman à classer avec Bussi et d’autres, assez loin des maîtres du genre.
______________________
"L'arbre était encore assez jeune pour qu'il puisse en faire le tour avec ses doigts. Comme ça, il eut envie de l'étrangler, de lui serrer le cou jusqu'à ce qu'il raconte entre deux hoquets ce qu'il était venu faire dans ce jardin. Il laissa retomber ses bras, découragé. On n'étrangle pas un arbre. Un arbre, ça ferme sa gueule, c'est muet, c'est pire qu'une carpe, ça ne fait même pas de bulles. Ça ne fait que des feuilles, du bois et des racines. Si, ça fait de l'oxygène aussi, ce qui est assez pratique. A part ça, rien. Muet."