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La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791) d’Olympe de Gouges n’est jamais qu’un pastiche paresseux de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : les articles sont grosso modo identiques, la principale différence tenant dans l’ajout systématique des mots « femme » et « citoyenne » devant les mots « homme » et « citoyen ». Que l’homme (l’homo, dérivé de l’humus, la « terre ») désigne l’« être humain » universel est une évidence pour tout le monde, mais notre féministe révolutionnaire, comme la majorité de ses épigones, au XVIIIe siècle, déjà, a cru bon, sans doute, par souci d’égalité, d’opposer en deux camps irréconciliables l’humanité : d’un côté les hommes, ces oppresseurs injustes, d’un autre les femmes, ces courageuses victimes.
Bon — en l’occurrence, il est vrai qu’Olympe de Gouges ne se montre pas aussi caricaturale — aussi oppressive et injuste !… — que je le suis. Elle, au moins, ne prône pas, comme d’autres, l’humiliation, la soumission, voire l’extermination des hommes ; sa revendication, à laquelle tout Français peut et doit souscrire, est réellement égalitaire et républicaine :
[Femmes,] déployez toute l’énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, [les hommes,] non serviles adorateurs rampant à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l’Être suprême.
La Femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits.
Olympe de Gouges n’est même pas tendre à l’égard des femmes, auxquelles elle s’adresse avec vigueur, pour ne pas dire avec virilité, soulignant que leur état dépend d’abord de leur responsabilité (un propos, frappé au coin du bon sens, qui, prononcé aujourd'hui par un homme, ne manquerait pas d’indigner tout le monde !) :
Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais tes droits. […] Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, [femmes,] il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n’avez qu’à le vouloir.
Dans un siècle — le nôtre, hélas ! — où le concept de nuance tend à disparaître sous la bichromie des oppositions binaires, cette distinction apparaît d’autant plus salutaire.
Saluons également la qualité tout à fait modeste de la plume : le texte (pour la petite partie, le postambule, surtout, que l’on peut raisonnablement attribuer à Olympe de Gouges) est loin d’être mal écrit. Il se situe, du moins, dans la moyenne des écrits et des discours de la Révolution, pour user des mêmes images guerrières et des mêmes tournures grandiloquentes.
Toutefois, soyons honnêtes : quel est l’intérêt — littéraire, entendons-nous — de ce texte ? Rien, ce me semble, ne justifie d’avoir exhumé ce clone de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du tombeau de l’oubli, où le Temps s’était justement chargé de l’ensevelir. Rien, si ce n’est d’autres considérations, plus symboliques, plus politiques. S’il a été ressuscité, s’il figure désormais au Palais Bourbon, s’il est aujourd’hui enseigné dans nos écoles, la raison profonde, malheureusement, me semble relever davantage de la propagande idéologique que de la juste reconnaissance artistique…
Mais, après tout, qu’importe : si le lecteur ne gagne rien à lire la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, à la fin, il n’y perd rien non plus.
Créée
le 20 oct. 2022
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