Trigger Mortis reprend en substance là où Ian Fleming s’était arrêté. Juste après le roman Goldfinger pour être exact. D’ailleurs nous retrouvons le personnage de Pussy Galore aux côtés de Bond. L’auteur du livre, Anthony Horowitz reprend, de plus, des éléments écrits par Fleming lui-même qui devaient constituer un texte du nom de Murder on Wheels. Il tente de donner l’impression au lecteur qu’il replonge dans une aventure de 007 du temps de la Guerre froide. Si l’ensemble est agréable, le personnage de James Bond est beaucoup trop naïf et lisse. Pourtant, il y a intégré des remarques racistes. Elles manquent leur cible, car elles sont simplistes et ne sont pas aussi piquantes que celles des années cinquante. Elles manquent de caractère et deviennent lourdes, n’apportent rien et deviennent donc uniquement racistes. Quand le politiquement correct fait pire que le colonialisme, c’est étonnant. Surtout quand cela est contredit par la manière d’aborder les femmes et la sexualité dans le roman. Si on peut comprendre qu’à notre époque on hésite à écrire des descriptions drôles et discriminantes à la Fleming, il est difficilement acceptable, d’un point de vue Flemingien, qu’il soit sexué ou pire encore ésotérique, que James Bond ait un bon ami homosexuel et que Pussy Galore redevienne homosexuelle. En effet, James Bond sous la plume de Fleming représente une symbolique de l’énergie masculine, qui doit passer par épreuves et sacrifice, puisqu’elle est l’énergie manifestée, pour rejoindre la part féminine. Pour cela, elle (l'énergie masculine) affronte et parfois convertit, des adversaires asexués ou homosexués, c'est-à-dire qui ne peuvent concevoir la vie par les voies naturelles. Il manque globalement des références ésotériques et une expertise psychanalytique, notamment jungienne, choses que possédait et essaimait Fleming dans ses livres. De plus, le style d’Horowitz manque de descriptions aussi détaillées que celles de Fleming sur des choses triviales telles ce que mange son personnage principal. Enfin, et ce n’est pas réellement un défaut, certaines scènes du livre sont trop clairement inspirées des films récents, comme celle dans un chantier reprenant en substance la scène, sur un chantier également, dans Casino Royale, lorsque 007 se retrouve à conduire une pelleteuse. Sur le fond, certains passages font par ailleurs penser aux attentats du 11 septembre 2001 ! Effectivement, trop d’éléments font sentir que le texte est écrit après les films… des années 2000 ! Par exemple, la façon de tuer Jason Sin est très descriptive, comme s'il s'agissait plus d'un scénario que d'un roman. On sent trop le poids des films comme c'est aussi le cas, par exemple, des comics Marvel qui sont influencés par les mises en scène cinématographiques dans la manière contemporaine d’agencer les dessins et vignettes. Mais dans leur cas, l’histoire se passe à notre époque, pas dans les années 60. Cela donne, au bout du compte, une sensation étrange, car le roman n’est pas tout le temps écrit de cette façon. L’inconscient de l’écrivain semble avoir écrit à sa manière lors de l’écriture de certaines scènes et pas le reste du temps !
Pourtant Déclic Mortel n’a pas que des défauts et le chapitre de la course en voitures est plein d’action. Le meilleur passage étant celui où Bond doit sortir de sous la terre, chapitre particulièrement trépidant grâce à son écriture précise de l’environnement et des sentiments qui traversent le personnage, cela permet d'être au cœur de l'action avec le personnage, ce qui est en soi un tour de force. Car il faut l’admettre, M. Horowitz sait écrire une histoire d’espionnage, mais à trop vouloir rendre hommage sur la forme, son écriture finit par se transformer en un pastiche de celle de Fleming. En réalité, le roman souffre de vouloir trop être dans l'air du temps. La preuve avec le fait que l'auteur s'est excusé sur Twitter pour une énième broutille, un mot, un avis qu'on ne peut plus avoir de nos jours.
Finalement, c'est un roman agréable à lire, qui permet de retrouver un Bond à l'ancienne, même si édulcoré, et qui ravira les fans et les lecteurs de romans policiers en général qui restent conscients que Fleming est mort il y a plus de cinquante ans.