''Un sujet violent n'a pas d'amour pour les sujets à qui il impose la peur permanente ; il en fait des objets, il n'y a pas de relation possible''
Le juge Durand s'exprime dans un livre qui nous enseigne de manière magistrale que la parole est le seul recours contre la violence. Avant l'audience, il va se présenter à chacun des enfants présents, quelque soit leur âge ou leur problématique et à la fin il va leur expliquer la sentence qu'il a prise. Il discute aussi avec des adolescents devenus violents à cause de leur passé familial. Son but est de casser le cercle vicieux de la violence. Son rôle est de protéger les mineurs en particulier des membres de leur famille.
Cette protection ne peut être garantie qu'en s'approchant le plus possible de la vérité. Or, à la base, il y a une plainte qui fait son chemin jusqu'à lui. Mettre des mots en portant plainte contre des violences subies, nécessite du détachement, d'objet on devient sujet, c'est libérateur mais cela demande du courage pour parvenir à traduire psychologiquement et intellectuellement une réalité inadmissible et enfin, la transmettre. La violence d'un parent peut être dénoncée par ses enfants et son conjoint. Pour les entendre les victimes rencontrent un large éventail de professionnels compétents, chacun avec leur empathie ou leur défiance, leurs préjugés, leur histoire, tous appartenant à une société issue du système ancestral du patriarcat.
Le juge Durand évoque toutes les violences possibles et il préconnise la protection des victimes, dès l'instant où l'une d'elles porte plainte, enfant ou parent. La loi qui permet de donner dans la famille une place active aux mères date de 1970, c'est donc une loi très récente elle prône la coparentalité, qui permet l'égalité des deux parents dans la prise décision concernant les enfants.
C'est devenu la doxa, à tel point que le parent qui a tué son conjoint sous les yeux de ses enfants peut garder son droit de décision jusqu'à la majorité de ses enfants.
Le juge cite le juriste Jean Carbonnier : ''la coparentalité, c'est la nostalgie de l'indissolubilité''. De fait, c'est plus un bloquage qu'une avancée, car enfin, pourquoi seules les victimes de violences familiales devraient continuer à côtoyer leur bourreau?
La mère (c'est souvent la mère) porte plainte pour venir en aide à ses enfants parce que son conjoint est dangereux. Mais avant de passer à l'acte, elle s'est trouvé confrontée à une réalité traumatisante, elle a connu l'emprise, la tromperie, le doute, une multitude de questions ont suivi, cette parole signifie que toute sa vie est remise en question, ainsi que sa personnalité, la place qu'elle a occupé, sa responsabilité, son aveuglement, et au bout du bout, sa culpabilité. C'est violent. Si sa parole est mise en doute, faute de preuves physiques, on est face à un autre genre de violence celle qui est sociale, la mère est accusée de manipuler les enfants, les inciter aux mensonges avec d'infâmes histoires, alors qu'en général, son urgence est de gérer l'émotionnel de ses enfants leurs peurs, leurs cauchemars, leur fragilité, et d'apprendre à reprendre confiance en elle. Qu'aurait-elle à gagner à discréditer son conjoint? une séparation, un divorce, et parfois la mort ?
La gestion des problèmes matériels ne sont pas bénins pour une femme célibataire avec de jeunes enfants, louer un appartement avec de tels critères, est du domaine de l'inespéré. Mais alors que ses enfants et elle pensent être à l'abri du tourmenteur, la peur persiste parce que dans notre société, il est de bon ton de laisser ''une chance au papa'' alors qu'il a eu des années pour faire ses preuves.
C'est le résultat de la coparentalité et c'est le combat du juge Durand.