Demeure le corps par MarianneL
«rien ne distingue l’œuvre de l’agonie ; une seule et longue phrase regarde le soleil»
Atteint de la maladie des os de verre, Philippe Rahmy, qui a grandi perclus de douleur dans un lit, la plupart du temps à l’hôpital, heurte et sonde un corps malade avec les mots nus, sans stratégie de dissimulation ni d’apitoiement. La vie qui se vide de ce corps toujours brisé remplit le texte d’une intensité radicale.
«voici septembre, j'espère encore le temps d'un livre; les crises agrippent le ciel
lorsque j'ouvre les yeux, je me crois natif de la lumière, lorsque je les ferme, j'ai peur de mourir; une extrémité du regard cherche les anges, tandis que l'autre se perd dans les intestins
il existe entre la nécessité d’étreindre et celle d’être libre, une profonde blessure qui ne peut être guérie, où l’espérance s’épuise à chercher un passage ; le chemin de la plus grande souffrance est devenu impraticable ; la violence, une réponse possible ; je suis pris d’un désir incontrôlable de pleurer»
Tuteurs d’un corps en morceaux, drogué, appareillé et cloué à un lit d’hôpital, échappatoires au cauchemar de la douleur, les mots tiennent lieu à Philippe Rahmy de charpente physique et émotionnelle, et de lien intense avec le désir du monde.
«bien que la drogue ait tout transformé, je crois me souvenir du muguet séché sur le gravier ; juin finissait, j’étais coulé dans le plâtre ; trois tanches suffoquaient dans la fontaine aux roseaux ; les laurelles collantes attiraient les moucherons ; quelqu’un a claqué les persiennes ; j’ai hurlé ; un point bleu a gelé au bord de l’été ; parler de surprise sonnerait faux pour dire la stupeur de ce jour ; je n’étais pas triste, mais assommé par la chaleur ; mes os s’effilochaient pour me griffer ; je me rappelle encore m’être demandé si la douleur provenait de ces rais d’ombre et de lumière qui passaient sur moi»
Sous forme d’instantanés de la souffrance, violents et organiques, «Demeure le corps, Chant d’exécration» va directement toucher l’épicentre des émotions.
Ce deuxième livre de Philippe Rahmy a été publié en 2007 dans la collection Grands fonds du Cheyne éditeur.