J'ai mal à la tête
La quatrième de couverture indique, humblement, qu'il s'agirait là d'un chef-d'oeuvre du genre (quel genre? Bildungsroman? Roman Philosophique? Je pencherais pour la seconde option, histoire de ne...
Par
le 7 sept. 2012
10 j'aime
C'est un bonheur de lire Herman Hesse, sa plume est pleine d'élégance, de précision et de sensibilité, on tourne les pages juste pour la beauté des phrases. Demian est un roman de formation, où on suit le jeune Sinclair dans son initiation à la vie de jeune adulte.
La première partie du roman décrit du point de vue intérieur, la fin de l'enfance et la perte de l'innocence. La découverte pour le jeune Sinclair d'un monde plus sombre, où le mal et l'impur existent, où l'Univers est fait d'une part d'ombre égal à sa part de lumière, est une magnifique évocation de ce que c'est que de grandir, et de devenir adulte. Soit découvrir le Mal, et accepter son existence.
Mini hors sujet, mais plus j'avançais dans ma lecture, et plus je ne pouvais m'empêcher de lire entre les lignes des concepts de développement personnel malheureusement fort à la mode par les temps qui courent : la loi de l'attraction bien sûr, quand Demian explique au héros (dans un argumentaire magnifique, certes) qu'il attire à lui ce qu'il désire intensément. Mais aussi le concept d'enfant indigo, qu'on retrouve dans le new age, où les enfants marqués d'un signe qu'il faut savoir reconnaitre, ont une responsabilité particulière vis à vis de l'humanité : le signe de Caïn ?
Bref, je ne pense pas que Hesse était un fervent défenseur du new age, mais plutôt que je sois moi encore un peu trop infusée dans de récentes lectures anti développement personnel ! C'est néanmoins troublant de voir les liens, et je pense que des lecteurs actuels pourraient tordre cette lecture pour en faire un nouveau "L'Alchimiste" (please no).
Allez rétropédalage sur le dév perso, et retour au cœur de ce qu'a voulu décrire Hesse, je pense ? Je n'ai jamais lu un livre aussi spirituel sur ce qu'était la fin de l'enfance. Sur comment grandir, c'était voir, puis accepter le mal. L'imparfait, le mesquin, le médiocre aussi. La Vie c'est ça aussi, et l'adulte est une formation de l'être où les lunettes bisounours ne fonctionnent plus. C'est douloureux, il y a des errances (le salut dans les divertissements, les excès ou l'instinct grégaire), on se perd et on se haït, on ne sait plus qui on est, puis on déteste ce qu'on pense devenir, et puis on fait la paix avec ce monde contrasté et avec soi même, on apprend à apprécier et à poser un regard juste sur la réalité. Demian, c'est l'histoire d'une transformation intérieure par laquelle on est tous passé à la fin de l'enfance, avec plus ou moins de souffrance.
En terminant ce texte, j'ai compris qu'Hesse avait tissé une parabole, et que le personnage de Demian était une allégorie de l'adulte formé, qui a accepté le monde dans toute sa dualité, et qui a eu le courage d'être lui-même. Cette quête initiatique avance à rebours des normes sociales, des valeurs religieuses, et se présente même comme amoraliste : il faut accepter toutes les facettes de ce qu'on est, chérir son authenticité plutôt que de croupir dans la norme. Demian est le phare de Sinclair, il le guide grâce son point de vue amoral sur l'existence, pour que celui-ci puisse décrocher sa liberté. Je retiendrai longtemps la figure d’Abraxas, ce Dieu qui réunit Jéhovah et Satan, soit les deux parts du monde. De manière générale, les relectures amoralistes de la Bible, comme le mythe de Caïn, ont créé un certain réconfort en moi...
Des choses m'ont échappé dans ce roman (notamment la figure d'Eve), mais la symbolique finale m'a vraiment cueilli. A lire jeune adulte, quand on se demande au fond qui on est : « Je ne voulais qu'essayer de vivre ce que je portais en moi. Pourquoi était-ce si difficile ? »
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Un livre, une citation
Créée
le 13 janv. 2025
Écrit par
D'autres avis sur Demian
La quatrième de couverture indique, humblement, qu'il s'agirait là d'un chef-d'oeuvre du genre (quel genre? Bildungsroman? Roman Philosophique? Je pencherais pour la seconde option, histoire de ne...
Par
le 7 sept. 2012
10 j'aime
Avant de débuter la lecture de ce livre, je partis 500. Hermann Hesse, romantique allemand du début de siècle, encensé par Gide, délaissé par les critiques et les éditeurs de son temps; Demian, un...
Par
le 25 avr. 2013
5 j'aime
L'oeuvre que Daladier & Co auraient du lire avant de signer les accords de Berlin. Une prescience saisissante de la montée du totalitarisme à travers une langue dénuée de toute grandiloquence.
Par
le 1 mars 2010
4 j'aime
Du même critique
Alors quelques (touts petits) chapitres sont moins réussis que d'autres mais globalement j'ai eu pas mal de révélations en lisant cette bd, ça m'a retourné sur certains points. Elle est très...
Par
le 23 nov. 2016
23 j'aime
Propulsé très probable best-seller de la rentrée grâce à la médiocrité d'un homme, quelle joie de contribuer à la visibilité de ce petit essai ! Humble mais efficace, il remet implacablement les...
Par
le 4 sept. 2020
19 j'aime
14
J'ai un sentiment mitigé sur L'Amie prodigieuse car il m'a beaucoup touché à certains moments mais aussi laissé indifférente à beaucoup d'endroits. Elena et Lila vivent dans un quartier pauvre de...
Par
le 19 mars 2017
19 j'aime