Ce roman m'avait été recommandé par une collègue libraire jeunesse.



Dans un monde en train de s'effondrer sur lui-même, les fées sont au coeur de la gestion de ce dernier, dans l'ombre. Navi est une fée très prometteuse, magnifique, dotée d'une immense magie, mais aussi d'un fort caractère et d'une certaine tendance à se croire supérieure. Alors quand le titre le plus reconnu lui échappe, Navi refuse d'accepter son statut de fée des dents, le plus bas dans l'échelle sociale féérique. Pour tenter de tromper le destin, elle décide de faire d'un sanguis déchu une princesse à sauver, qu'elle espère unir avec la princesse du royaume des humains. Ce qu'elle ignore, c'est qu'elle vient peut-être de causer le perte de toutes les espèces, incluant la sienne. Et le sanguis qu'elle vient de sauver n'était peut-être pas l'espoir d'une ère de paix entre les deux espèces qui se détestent le plus, puisque l'une asservis l'autre sans le moindre scrupule.



Dans ce livre à deux voix, j'ai un avis en deux temps. J'ai vraiment beaucoup apprécié le personnage de Navi, mais c'est un avis partagé pour ce grand con de Devin.



Autant commencer avec le maillon faible. Devin est en peu de mots, un nazi. Déjà, je n'ai aucun intérêt pour les vampires, ces êtres qui ne pensent qu'à guerroyer, comploter et baiser, le tout en complet cravate et un éternel air de babouneux au visage, comme des enfants éternellement capricieux. Vraiment, ce sont les pires monstres qui soit et les romans du genre de Twiligt ne m'ont fait que les mépriser davantage en ajoutant des relations toxiques entre des filles ados mal dans leur peau et des beaux ténébreux chialeux. Bref. Devin n'est pas mieux. C'est un cas typique de mégalomane égoïste hyperviolent qui a des visés suprématismes raciales, avec un éternel air bête et ruminant sa rancoeur à chaque page ou presque. Comme tous les gens de son espèce, il méprise les humains, pourtant à la base de leur survis. Même si au début de cette histoire, Devin est dans la peau de la victime édentée qu'on a accusé d'un crime grave, on réalise par la suite qu'il l'a foutrement mérité, cet imbécile qui pense les vampire supérieures aux humains. Honnêtement, Devin ne mérite pas Navi. Il est juste très banal pour un vampire, même si le mot "vampire" a été remplacé par "sanguis". Bref, lire les passages avec Devin, c'est signer pour une plume apitoyée, avec en fond de trame des violons dramatiques et beaucoup de sentiments négatifs. La seule chose que je peux lui concéder est son attachement pour sa famille, mais s'il l'avait vraiment si à coeur que ça, il n'aurait pas commis des crimes aussi gratuits pour de stupides raisons d'orgueil raciale. Un nazi, je vous dit. Ça m'a bien fait rire qu'il devienne la "princesse à sauver" le temps d'une mission, c'est une des rares fois où il a perdu de sa superbe et a eu vaguement l'air rafraichissant. le reste va se perdre dans les clichés de l'espèce et la mâlitude couillonne que je retrouve trop souvent chez les beaux ténébreux, qui se torturent eux-même avec des concepts archaïques et stupides supposés en faire des torturés dans l'âme. Bah voyons, ils sont juste cons.



Navi, ô Navi. En soit, elle n'est pas vraiment plus sympathique à côtoyer, avec ses répliques cruelles et sa suffisance sans commune mesure, mais bon sang qu'elle est rafraichissante! Elle est toute en courbes, voluptueuse, rose de partout, grande gueule et incroyablement imbue d'elle même. Navi est une surdouée en magie et elle le sait. Elle ne perd pas son temps à être humble sur le sujet, en conséquence de quoi tout le monde la craint ou la déteste. D'habitude, des cas narcissiques comme Navi, c'est du côté des gars que j'en vois. C'est beaucoup plus rare chez les filles et si c'est le cas, c'est une antagoniste qui est dans cet archétype. Donc, Navi est une sorte d'anti-héroïne, loin d'être humble, modeste et docile, elle est au contraire roublarde, ambitieuse et confiante en elle-même. Elle me fait penser à un bulldozer rose. Elle ne respecte pas les règles, sert sa propre personne avant tout et ne se montre jamais délicate dans ses propos. Son amitié avec la petite fée est malsaine et inégale, mais elle finira par se rendre compte qu'elle a tout faux sur certaines de ces prétentions la concernant. Navi me semble sujette à faire du déni et utilise le déplacement dans ses mécanismes de défense, ce qui montre qu'il y a des choses qui l'atteignent. Ce qu'elle veut, c'est être reconnue à la juste mesure de ses talents et c'est cela qui guide sa pensée...jusqu'à ce qu'elle ait le béguin pour son protégé. Honnêtement, elle aurait pu rester cette fée ambitieuse qui va évoluer pour prendre ses responsabilités et avoir une meilleure confiance envers les autres, sans tomber amoureuse d'un parfait abruti. Navi aura beaucoup à apprendre, mais elle va changer pour le mieux.



On a donc une histoire d'amour naissante, mais pas un amour spécialement sain. Devin lui trouve beaucoup de qualités, mais l'inverse n'est pas vraiment perceptible. Je n'ai pas trop saisi ce que Navi trouve à cette loque de Devin obnubilé par ses désirs de vengeance, sauf peut-être sa capacité à la suivre sans trop se plaindre. C'est donc un amour qui a des inclinaisons de coup de foudre, c'est pas très rationnel et pas très solide. Ils ont eu besoin l'un de l'autre, mais franchement, à en croire les autrice,s ça ne peut jamais être fait sans s'enticher l'un de l'autre. Les romans avec des héroïnes qui ne finissent pas pâmée sur le beau mâle ténébreux ne sont pas nombreux. C'est dommage, ici, avoir une relation strictement amicale aurait très bien marché.



L'univers des fées était intéressant, incliné sur celui des fées des dents autant que les fées marraines, l'autrice reprend donc les fées des contes classiques. Toute cette idée de fils à défaire, de destinée préécrite et de classes sociales féériques étaient intrigante et me semblait du genre à ne pas tenir encore longtemps, vu les iniquités qu'on y décelait. Je pense que l'aspect "enquête" de Navi dans ce monde où des zones d'ombre étaient perceptibles m'ont davantage plu que tout ce côté complot vampire, que j'ai juste beaucoup trop vu. Et c'était amusant de voir les vampires largement supplantés par une autre espèce aussi mignonne et féminine que les fées, eux qui ont la mauvaise manie de se croire meilleurs que tout le monde du fait de leur longévité et force physique. D'ailleurs, le déclin est imminent pour cette bande de sangsues snobs.




Le monde des humains était intéressant, avec son château impressionnant et sa princesse vraiment rafraichissante sur le plan physique et psychologique. Elle m'a semblé un peu à l'écart au début, mais elle mérite son titre cette jeune femme, c'est pas une idiote.



Autre constat, le passage avec les trois épreuves et le mariage du gagnant avec la princesse humaine a été carrément expédié. J'ai du mal avec ce choix de rythme, car il me semble qu'une fille de Chef d'état mérite mieux que cela. Et j'aurais prit le temps de regarder le visage du concurrent voilé, moi, si j'étais roi, justement pour éviter l'imbroglio qui a suivit. C'était une bourde monumentale, et pas très crédible.



Je note également que nous avons un rare cas d'homme voilé. Dans les faits, ce sont les esclaves vampires qui sont ainsi couvert, mais quand même, ça change de voir un homme forcé à l'anonymat comme ça. Ce n'en est pas moins horrible, toutefois.




Dans l'ensemble, c'est un bon roman, avec de l'action, un univers intriguant et une héroïne atypique et le sens de l'humour aussi mordant que joyeusement impertinent de madame Desard, dont j'ai pu apprécier le style dans "L'école de minuit" ( le seul roman avec le seul vampire que j'ai réussi à apprécier, parce qu'il n'était ni couillon, ni snob, ni égocentrique, ni narcissique). Je me serais passé de la romance, qui me semblait de trop et un peu trop "coup de foudre", et Devin va très probablement disparaitre de ma mémoire tant il n'était pas mémorable. Et reste qu'il y a un beau travail sur les personnages féminins, qui occupent l'avant scène et dont les axes traités sont multiples et pratiquement tous tournés vers autre chose qu'un homme. C'est madame Bechdel qui serait contente - sauf pour la romance vide.




Pour un lectorat adolescent du premier cycle secondaire, 12-15 ans+

Shaynning

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