Incontournable Juin 2022


Album jeunesse québecois, on nous invite à découvrir les trésors insoupçonnés que peuvent cacher les meubles de nos maisons. Ici, c'est le coin caché d'un salon, par un fauteuil couleur d'olives, qui devient le terreau fertile de l'imaginaire d'un enfant. Un imaginaire avec une foule de jeux de mots.


D'abord, des fourmis, qui forment une file, chacune avec un petit morceau d'aliments divers. Cette file inspire...une gare. Une gare où fourmillent des fourmis attendant leur prochain train. Observez que les lieux sur le tableau d'affichage des correspondances sont inspirés de villes québecoises réelles. Par exemple, "St-Jean-sur le-Fourmilleux" est inspiré de St-Jean-sur-le-Richelieux. Il y a un petit kiosque de livres de la "Fourmi Kili". Des fourmis papotent entre elles: "Enfin des vacances! J'en pouvais plus de tout transporter" confie une dame fourmi, alors que son conjoint est chargé comme une mule.


Quand le narrateur ou la narratrice constate que son grand-père laisse derrière lui de la monnaie, après sa sieste sur le fauteuil olive, il/elle/iel s'imagine que quelqu'un quelque part gère cet argent. Quelqu'un comme...un banquier! Qui a étudié à l'Université de l'Emmental et travaille maintenant comme Souris comptable. Il a du mal à compter ses sous, car il est peu fatigué. Heureusement que sa conjointe, Camemberte, lui a préparé une fondue au fromage pour le requinquer.


Le vendredi soir, c'est "soirée cinéma" et qui dit soirée cinéma dit friandises, boissons gazeuses et pop-corn! Il en reste d’ailleurs un derrière le fauteuil. Il semble bien seul, posée là. Mais il attend peut-être ses amis pour...son anniversaire! Des pop-corn qui "s'éclatent", qui jouent à la cachette ( Prêt, pop prêt, j'arrive!), qui boivent du beurre et se donnent du sel en cadeau, frappent une pinata ( Plus fort Marie-Maïs, aie pop peur!). Bref, c'est "pop pire" la fête de Jean-Pop.


Des fois, derrière le fauteuil, il y a des trucs un peu "ouach", un brin "beurk", un chouia "dégoutant". Et ce truc vert collé au mur semble néanmoins intéresser une araignée qui passait par là. On dirait qu'elle visite...un musée! Dans ce musée, une petite classe scolaire fait d'ailleurs sa tournée pour découvrir le courant nez-o-moderne ( s'cusez moi un peu!). Mais bon, toutes ces muqueuses sont tout-de-même un brin dérangeantes. Notre narrateur va donc déposer une boîte de mouchoirs à côté du fauteuil vert olive.


Notre narrateur/narratrice poursuit en expliquant que son papa a inventé "la journée Ménage". Vous trouverez une page avec les divers articles requis pour cette journée. Nous avons "Le pouche-pouche". Au Québec, c'est une appellation réelle, surtout chez les enfants, qui désigne les bouteilles doté d'un embout à spray qui fait "Pich-pich" quand on appuie dessus, d'où son surnom. C'est généralement le désinfectant où le liquide pour les vitres. Il y a aussi "Bob" l'éponge, sans doute une référence à une certaine éponge jaune un peu foubraque qu'on a vu dans une émission du même nom. "La grande vadrouille", bah c'est la moppe en français Québecois, la serpillère en français européen. "Le Seau-Le-Pleureur ( oh, c'est ben cute!) c'est le seau d'eau mousseux pour aller avec la moppe/serpillère. "Le ramasseux", c'est le porte-poussière ( qui devrait aller avec le balais, grand absent de cette liste). "L'épousseteur" c'est le plumeau. Notre narrateur se fait la réflexion que tous les trésors du coin derrière le fauteuil doivent trouver pénible de respirer dans toute cette saleté. Si elle/il/iel était à leur place, il/elle/iel organiserait...une manifestation! Avec des slogans tels que "Trop de poussière: On tousse. Un avenir propre pour tousse" ou encore "So so so, sortez nous de là!"


Un soir, notre narrateur/narratrice trouve une chaussette/un bas derrière le fauteuil. Elle/Il/Iel a apprit que les objets en tandem de deux sont appelés "paire". Cette pauvre chaussette seule doit être bien triste. Il/Elle/Iel l'imagine tout-à-coup...en spectacle! Après une petite dédicace ( À Badelaine, sa chaussette perdue) la chaussette entame sa chanson sur le même air que "C'était un p"tit bonheur", de Félix Leclerc:


C'était un p'tit bas vert
Que j'avais ramassé
Il était solitaire
sur le bord du panier[...]


Sur un billet, on peut voir "Les productions du Bassal", La complainte de la chaussette solitaire". Gratuit, bien sur. Une chaussette dans le public, qui attend sa paire, répond au téléphone: "Allô? le spectacle est commencé, Marie-Paire. Arrives-tu bientôt? Comment ça, tu sais pas tes où?"


Derrière le fauteuil, un jour, le narrateur ne voit rien. Mais elle/il/iel sent quelque chose, en revanche. Ça sent...le vieux pet! Qui ressemblerait au monsieur qui dit "Chut!" à la bibliothèque.


Tout-à-coup, alors qu'elle/il/iel est assi.e dans son fauteuil, le narrateur a une idée. Un "éclair de génie". Tout-à-coup, elle/il/ie a une folle envie d'aller voir ce qui se cache...sous son lit!


Un album qui met en relief l'incroyable potentiel créatif qui peut émerger des objets les plus banals. Et ces mêmes petites "cochonneries", pour citer la plupart des parents, en font parti. J'ai trouvé les jeux de mots forts mignons, il y a un réel soucis du détail. Dans notre époque moderne, le fait est qu'avec les jeux vidéos, les films et autres médiums par les écrans, imaginer des mondes, créer et se raconter des histoires me semblent compromis. Les écrans donnent d’emblée l'ensemble des paramètres, que reste-il à créer? Ce genre d'histoire me rappelle que tous les enfants ont un pouvoir créatif, mais qu'il importe en même temps de leur laisser la latitude requise pour le faire.


Côté graphisme, c'est doux, il n'y a que quelques lignes de plomb peu visibles, le reste étant fait en aquarelle. le tout respire, surtout grâce à l'espace laissé au Blanc. Certaines entités , tel que les pop-corn ou les chaussettes, ont des petites frimousses mignonnes et des formes d'objets du quotidien qui me rappellent les sympathiques Bidules Chouettes, des petits albums de la maison La Poule qui pond.


C'est donc une autre belle trouvaille, de celles dont on ne se lasse pas de raconter, re-raconter et ré-re-raconter!


Pour un lectorat à partir du premier cycle primaire, 6-7 ans, mais tout-à-fait approprié pour les âges subséquents, bien sur!

Shaynning

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